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Area Studies

What can we learn by comparing practices and customs in different societies around the world?

Photo credit: Britt Reints - Flickr


Innover dans un catéchisme africain pour vaincre la superficialité de la foi : Le paradigme du cas centrafricain

Banga Anatole is a PhD Student at the Institut Universitaire de Développement International (IUDI), founded by Moussa Bongyok with assistance from WCIU.

Banga Anatole is a PhD Student at the Institut Universitaire de Développement International (IUDI), founded by Moussa Bongyok with assistance from WCIU.

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WCIU Journal: Area Studies Topic and Community and Societal Development Topic

January 2, 2020

by Banga Anatole, PhD Student, FUID

Introduction

L’analyse critique de la problématique de l’évangélisation en Afrique aboutit à un questionnement qui doit être énoncé et être traité sans complaisance. Ce questionnement sur les origines, les motifs ou les causes s’impose, pour tenter d’expliquer le contraste qui est observé entre le nombre inversement proportionnel de l’incessante croissance des conversions au christianisme que nos frères occidentaux ont enregistré sur le continent africain et l’insignifiance du  réflexe chrétien dans le vécu de nombreuses personnes qui se déclarent pourtant converties.

Il y a  manifestement  une absence de la transformation qui ne s’est pas réalisée dans la vie de ces personnes, appartenant à des sociétés ou à des communautés converties, et qui se déclarent chrétiens, pour avoir reçu le catéchisme des premiers missionnaires.

Nous entendons par catéchisme l’enseignement de la foi et de la morale chrétiennes selon un programme défini.

Il a souvent été entendu qu’en Afrique, « les églises auraient un kilomètre de longueur et un centimètre de profondeur ». Toutefois, et sans nier la probabilité de cette assertion, nous relevons fort à propos, que feu Obed Uzodimna a réajusté le périmètre de  l’observation faite, en relevant que le constat qui était fait n’était pas une spécificité africaine, car il pouvait être fait à l’adresse de nombreuses autres églises sur d’autres continents, voire de toutes les églises au monde. 

Il résulte du débat, que nous ouvrons que  la problématique du christianisme sur le continent africain devrait être relancé pour que soit appréhendé de manière frontale la critique sur l’introduction du catéchisme missionnaire en Afrique, afin que soit envisagées les esquisses de solution qui pourraient ouvrir la voie au renouveau de la vie chrétienne sur le continent..

Dans cette optique, le cas centrafricain, et même le cas rwandais illustrent parfaitement la nature et la portée du débat que nous considérons inéluctables.

La crise, en République centrafricaine, a révélé et mis en exergue des comportements et des pratiques les plus rudimentaires, barbares et à la négation de l’humanité de l’homme, mais qu’assumaient leurs auteurs qui arboraient et revendiquaient l’identité chrétienne.

Ainsi au nom d’une identité chrétienne, déclarée, on a mutilé, on a détruit, on a tué, voire plus.

Le Rwanda a vécu et a été traversé par les mêmes atrocités. Le génocide rwandais ne s’est-il pas réalisé dans un pays où 96% de la population se déclarait chrétienne ? Or, et dommageablement, des victimes qui pensaient trouver refuge dans les églises se sont faits massacrer, non pas seulement dans les rues, mais dans ces lieux sacrés, par des agresseurs qui s’identifiaient et se déclaraient chrétiens.

Dès lors, tirant observation de ce qui s’est passé tant au Rwanda qu’en Centrafrique, on peut convenir, que ces cas interpellent à plus d’un titre sur les agissements qui sont prêtés, attribués ou revendiqués par des chrétiens. Il se pose, dès lors, un problème au regard du catéchisme reçu par ces derniers. Le tout est de pouvoir, de savoir et de vouloir circonscrire ce problème ?   

1-  Les limites de l’action des premiers missionnaires dans la conversion au christianisme

Selon différentes statistiques, la République Centrafricaine est considérée comme l’un des pays africains disposant d’un taux élevé de personnes ayant accédé à l’œuvre du catéchisme chrétien des premiers missionnaires. On dénombre notamment de nos jours, selon Operation World et le dernier recensement général de la population, 80% de chrétiens dont 29% de catholiques et 51% de protestants.  

Or, face à l’adversité des rebelles musulmans qui s’en sont pris aux non-musulmans, face aux terribles souffrances infligées par les terroristes musulmans, face aux persécutions que les intolérants faisaient subir aux chrétiens, des groupes d’auto-défense se sont constitués. Les résistants se sont répandus un peu partout sur le territoire national. Ces groupes - dites milices chrétiennes- n’ont pas hésité à leur tour de massacrer, de tuer et ont meurtri dans une grande confusion, non seulement leurs bourreaux mais aussi des musulmans innocents.

Ces miliciens qui se déclaraient chrétiens avaient délaissé leurs bibles pour le port d’accoutrements caractérisant des pratiques fétichistes, ils se bardaient d’amulettes, supposées dans leur entendement les rendre imperméables et invulnérables aux balles des fusils d’assaut AK-47 des musulmans.

On ne peut-dès lors s’empêcher de s’interroger sur le catéchisme reçu par ces miliciens qui se déclaraient chrétiens. Est-il enseigné aux chrétiens de rendre le mal par le mal ? Les chrétiens doivent-ils concevoir leur protection ou leur défense par le fétichisme ?

Par la projection de l’illustration centrafricaine, on observe qu’en Afrique dans de nombreuses localités, dans les circonstances de crise ou de souffrances diverses, subsiste dans de nombreuses communautés ayant reçu le catéchisme des premiers missionnaires un réflexe de recours régulier, récurrent voire systématique à la sorcellerie et aux fétiches, à un syncrétisme aggravé et notoire.

Il s’en déduit qu’en Afrique, en général et dans certaines localités en particulier, la foi des croyants est encore du côté des pratiques traditionnelles et païennes et qu’il y a, dès lors, nécessité de redéfinir l’évangélisation dans les nations.

Bien entendu, il ne s’agit pas de notre part de laisser entendre que dans l’absolu il n’y aurait pas eu, en Centrafrique ou ailleurs en Afrique, de conversions authentiques à la suite du catéchisme des premiers missionnaires. La démonstration que nous tirons de l’illustration que nous rapportons ne vise qu’à conforter l’intérêt du questionnement que nous ouvrons et qui met en opposition le contraste qui subsiste entre la proclamation du statut de chrétien et le vécu de ces croyants au regard de l’expression de leur foi.

Comment dès lors ne pas se remettre en cause face au sarcasme de certains médias et aux commentaires jubilatoires de certains éditorialistes qui ironisent en s’interrogeant sur le type et la nature de la ‘foi’ qu’ont les chrétiens en Afrique en général et en Centrafrique, en particulier ?

C’est pourquoi, il y a lieu de s’interroger, comment se fait-il qu’après l’implantation des églises sur le territoire entier, à la suite des réveils, évangélique - des années 70 - et pentecôtiste - des années 80 - que de tels errements se produisent, encore, dans nos jours ?

L’étude et l’analyse des faits décrits ci-dessus et imputés à des chrétiens ramènent dès lors à une question essentielle, qu’a-t-on en Afrique ? A-t-on christianisé ou a-t-on évangélisé ?

2-  Christianiser ou Evangéliser, la problématique de la conversion entreprise sur le continent africain ?

Nous partons du postulat selon lequel christianiser et évangéliser se rejoignent apparemment certes dans leur objectif, mais se distinguent néanmoins dans leur approche, leur méthode et leur construction. Dans notre argumentaire, nous dirons que :

-       Christianiser consisterait à répandre le nom du Christ dans une région donnée ; faire porter aux gens le label chrétien ; polariser la société par la culture chrétienne sans une conversion réelle des personnes.

-       Evangéliser c’est annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ et faire des convertis authentiques qui font allégeance au Seigneur Jésus et se soumettent aux instructions bibliques.

Il mérite de dire d’emblée que nul ne peut douter de la bonne foi des missionnaires pionniers dans le grand travail qu’ils ont réalisé pour l’annonce de l’évangile sur le continent africain.

Il est incontestable que les premiers missionnaires se sont investis dans la diffusion et la propagation de l’évangile dans des conditions difficiles. Ils étaient, à n’en point douter, animés de motivations altruistes qui les amenaient à braver la mort dans le seul dessein de voir le salut de Dieu être introduit en Afrique.

Cette reconnaissance ne doit cependant pas occulter les ratées, les insuffisances ou les manquements qu’ils ont enregistrés et qui étaient liés à leur ignorance, méconnaissance ou rejet d’appréhension des cultures locales. On pourrait dire benoîtement à leur décharge qu’ ‘’ils ont péché par omission’’.

Au regard des définitions que nous avons, ci-dessus, posées, on peut convenir que si nombre de pays en Afrique et, en l’occurrence Centrafrique, ont été largement christianisés, ils n’ont pas vraiment été évangélisés.

Ce n’est pas le grain de l’évangile qui fut semé dans le sol centrafricain, mais c’est un jeune plant du christianisme occidental qui a été planté.

Notre formule nous renvoie à l’époque où la chrétienté (politico-géographique) se confondait avec le christianisme (religion) dans les pays européens. C’est pourquoi, fauter dans un contexte de méconnaissance culturelle, la sanction des premiers missionnaires appelle une indulgence compréhensible. C’est en ce sens que si un regard critique sévère sur l’antériorité s’impose, une bienveillance doit faire place et c’est au nom de celle-ci que doit se dessiner les contours du renouveau du catéchisme en Afrique.      

2.1- Revisiter l’histoire

Il est impératif de réinterpréter les écritures[1] en fonction du symbolisme africain : art, cultures, langue, symboles, croyances, masques, noms, animaux totémiques, nature, contes, etc…toutes ces choses ont des significations.   

Malheureusement, par ignorance ou méconnaissance, les missionnaires pionniers n’ont pas su communiquer la bonne nouvelle qui transforme. Ils ont plutôt transposé la conception de leur culture occidentale au milieu d’un peuple candide, cordial, admiratif et crédule.

Dans les sociétés traditionnelles, aucun projet ne pouvait s’entreprendre sans consultation préalable des esprits des ancêtres[2]. Ces esprits sont supposés être les dépositaires du devenir des populations. Il aurait fallu, nécessairement et préalablement, de la part des premiers missionnaires, établir une démarche de dialogue interactif avec les autochtones ! Faute d’avoir procédé ainsi,  la philosophie de l’action des missionnaires les a conduits à des a priori de jugements simplistes et caricaturaux sur les populations qui recevaient leurs enseignements.

Condescendants et dans une logique de civilisateurs, ils regardaient et traitaient les centrafricains avec dérision, les qualifiant de superstitieux. C’est pourquoi, eux, les prétendus éclairés se sont contentés de chercher et de trouver les moyens qui leur convenaient pour faire abandonner à ces indigènes leurs allégeances aux croyances obscurantistes qu’ils entendaient éradiquer ainsi.

La destruction des structures des sociétés traditionnelles et de la chefferie indigène par l’administration coloniale, la diabolisation de la culture, la dévalorisation et le bannissement des symboles culturels par les enseignements des premiers missionnaires très mal préparés à l’inculturation, ont produit des avatars d’aliénés parmi le peuple et dans les églises.

Une dialectique s’avère donc nécessaire dans l’approche kérygmatique au sein de l’église. Il faut surpasser la rhétorique et poser les vraies questions de fonds qui préoccupent les croyants et ensemble trouver les réponses qui s’imposent. Mais nous nous posons la question si le leadership ecclésial local et national sont préparés à une telle aventure.

2.2- Se libérer de l’emprise et de l’approche occidentale didactiques

Nos prédicateurs formés dans les institutions bibliques et théologiques ont tendance à parler d’un autre monde non connecté aux réalités centrafricaines, ce quotidien où pauvres, marginalisés et opprimés, vivent ensemble.

La rédemption par la croix implique -en plus d’une dose de critique forte et générale adressée à la société opposée au dessein divin- le maniement du levier de la transformation véritable de la personne. Ce changement est attendu dans chaque aspect de l’existence de l’homme en général, donc de l’homme centrafricain de manière radicale, puisque la souffrance actuelle n’est pas normale, mais imposée de manière artificielle, produite par la méchanceté des hommes, des groupes oligarchiques, des planifications hégémoniques des super puissances.

Les approches discursives dominicales ont-elles des fondements historiques et sociaux ? Révolution sociale et réforme spirituelle qui vont de pair sont la leçon que nous tirons des réveils en occident. Le message libérateur a trouvé écho dans le cœur du paysan, du serf surexploité. Mais on pourrait aussi rappeler de manière honteuse ces drames historiques de la christianisation, où les Indiens ont été massacrés, les Nègres ont subi la traite, et l’Apartheid a survécu jusqu’au vingtième siècle avec des soi-disant justificatifs scripturaires.

Cette situation a préoccupé des penseurs africains tels Kä Mana, Santedi Kinpupu, Achille Mbembé, Jean Paul Ngoupandé, pour ne citer que ceux-là.

Il s’est avéré qu’un théologien a soulevé des questions pertinentes en ces termes : « Devons-nous épuiser nos forces à nous demander si, pour être théologien, il faut raisonner à la Descartes ?  Ne faudrait-il pas sortir des bibliothèques et des bureaux, pour aller vers un type de société où l’on voit l’intellectuel parmi les planteurs, l’universitaire parmi les illettrés, le médecin parmi les hommes de la brousse, le théologien ou le pasteur dans les villages, là où la faim, la misère et le désespoir deviennent un avenir qui ne débouche sur rien et jette l’homme sur la route de la révolte[3] » ? 

Redéfinir l’évangélisation, développer des églises qui ont une vision de l'herméneutique de l’action conforme aux textes bibliques, promouvoir un leadership de service, comprendre la vision africaine du monde, inventer un catéchisme africain, etc…les défis sont légions.

Sans pour autant négliger ces points mentionnés, nous proposons un catéchisme africain comme solution à ce qui est observé en Centrafrique et qui se retrouve dans presque toute l’Afrique.

Un travail approfondi et illustré démontrera indubitablement et davantage le dysfonctionnement de l’église en Afrique dont les préoccupations –sans être exhaustif- ont engendré :

-       l’avancée de l’évangile de la prospérité,

-       l’institutionnalisation davantage du syncrétisme sans s’en apercevoir,

-       favorablement la croissance ou l’expansion des religions traditionnelles,

-       la radicalisation du phénomène de « black-power[4] », et

-       des circonstances qui ont fait prospérer la précarité.  

On peut conclure en disant que, dans l’attente de la production de ce travail et de ce qui devra en découler, l’invention d’un catéchisme africain serait une porte d’entrée aux transformations souhaitées.

3-  Un Catéchisme Africain

Nous avons aujourd’hui assez d’outils pour faciliter la compréhension des Saintes Ecritures, et c’est un avantage pour le catéchisme africain. Dans le livre Cultural Anthropology, son auteur déclare: «The bible is the infallible record of divine revelation and the priesthood of all believers..... Christian theology has one foot in biblical revelation and the other in the historical and cultural context of the people hearing the message. The first task is to remain faithful to the biblical truth. This begins with exegesis, in which the message of the bible is understood within a particular cultural and historical context. The second task is to make that message relevant to the listener. This involves hermeneutics, which is the task of helping persons understand the relevance of the biblical message for the quite different linguistic and cultural settings of today, and of determining the appropriate response for the believer. The message of the bible is supracultural -it is above all cultures. But it must be understood and applied in all cultures[5]».

Le théologien Paul Tillich va dans le même sens, quand il dit qu’un système théologique est supposé satisfaire deux besoins fondamentaux : « la proclamation de la vérité dans le message chrétien et l’interprétation de cette vérité pour chaque nouvelle génération. La théologie fait des va-et-vient entre deux choses, la vérité éternelle de son fondement et le contexte dans lequel cette vérité doit être reçue[6] ».

L’anthropologue et le théologien mettent l’accent sur la contextualisation du message biblique en tenant compte, pour son interprétation, du langage original et des éléments culturels propres à en devenir un support.

3.1- Evolution lente mais définitiv

En 2004, des théologiens africains de renom et des missionnaires de carrière ont édité la Bible d’Etudes Africaines[7] pour le monde francophone. Sa particularité se trouve dans une approche originale de l’interprétation du message biblique culturellement adaptée au continent noir.

Depuis 2014, l’Oasis International a aussi pour sa part fait publier une autre bible en anglais et qui est en ce moment en traduction en français : c’est « The African Bible Study[8] », apparemment l’alter ego culturel de la bible francophone mentionnée.

Mais cette fois-ci la différence vient du fait que des centaines de pasteurs et leaders à travers le continent ont été consultés pour enrichir le sens du message biblique avec des histoires, des commentaires, des enseignements, etc…tirés du vécu africain.

Ces travaux qui se démarquent des approches classiques des traductions bibliques montrent à tout point de vue que la problématique de la transmission, de la compréhension, et du vécu africain de la foi chrétienne est prise en compte et que des efforts sont désormais entrepris pour corriger cette situation.    

3.2- Equilibrer les enseignements : former des saints et produire des savants

La déformation scolastique que la pensée dualiste grecque a engendrée dans la mentalité des intellectuels chrétiens africains -qui ont plus de penchants analytiques que mystiques du christianisme et de l’Eglise- prête à confusion dans le sens que le croyant doit s’évertuer à n’être qu’un saint. Un être sans corps est un fantôme.

Et pourtant les hommes sont trinitaires ou mieux trichotomiques. Méprendre cette réalité anthropologique c’est effectuer un travail incomplet et qui en réalité est sans avenir.

C’est ainsi qu’on observe des conversions astronomiques des âmes, des implantations pléthoriques d’églises, des programmes époustouflants, des bâtiments de culte grandioses qui rivalisent avec les cathédrales occidentales moyenâgeuses, sans que rien ne change sur le plan socioéconomique du continent et dans la vie des fidèles.

Toujours selon Operation World, sur les six cents millions d’évangéliques sur la planète, presque le tiers se trouve en Afrique. On attend toujours de voir leur impact.

Nous savons que la foi sans les œuvres ne sert à rien. Les paroles sans les actes ne sont que du vent. En attendant d’aller au ciel, le croyant doit pleinement témoigner dans ce monde de la transformation produite en lui par la foi en Jésus-Christ et par la présence de l’Esprit Saint en lui. De même que le premier homme était placé dans le jardin d’Eden pour en prendre soin, le croyant, laissé dans une société fondamentalement opposée au Christ des Écritures, a des responsabilités envers cette société. Les pères réformateurs n’alliaient-ils pas ‘’Adoration, Service et Travail ?’[9]

L’église tout en s’attelant à produire des « saints » -c’est-à-dire bâtir des croyants spirituellement mâtures dans le sens propre du terme-  doit aussi s’évertuer à encourager et à développer des « savants » -les croyants doivent aussi s’intéresser aux recherches intellectuelles et scientifiques, ainsi que les travaux manuels de qualité, lesquels contribuent au développement de l’homme et du monde.

Pour sortir de l’ambigüité énigmatique où se trouve plongée l’Eglise en Afrique, nous proposons l’initiation et le développement du catéchisme authentiquement africain.

Ce catéchisme s’inspirera de la méthodologie d'expression de Jésus-Christ dans la communication de la parole.

Ce catéchisme qui, pour pyrograver indélébilement les vérités scripturaires dans les cœurs, utilisera avec discernement la panoplie et la sagacité des histoires et contes locaux, desquels les anciens se servaient pour enseigner et moraliser les jeunes et donner les leçons de vie.

Ainsi imprimer dans l’esprit, le plus long voyage du monde qui n’est distant que de trente centimètres[10], servira de parcours transformationnel du croyant.

3.3-  Le catéchisme africain

Le catéchisme africain tiendra compte de la tradition communautaire, de la sagesse tribale, de la solidarité villageoise, et de l’éducation dans la société africaine.

En redonnant aux africains leur identité culturelle, en s’exprimant dans leur langage de cœur, en s’incarnant dans leur vécu de tous les jours, l’évangile de Jésus-Christ transformera totalement et durablement la vie des africains.

C’est un programme qui doit se développer pour les églises sur le continent, car dans toute l’histoire, à un moment donné, la maturité a exigé la prise en main de ses responsabilités.

L’essor de la renaissance d’une église compatible avec notre réalité est dans l’initiation d’un catéchisme africain par les africains eux-mêmes, en vue d’une église qui incarne le Seigneur qui a bien connu l’Afrique ainsi que ses parents.

Encore bébé, Jésus s’est identifié dans sa fuite en Egypte avec les immigrés, les exilés et les pauvres africains. A sa mort, il a vu un africain se solidariser avec lui en portant sa croix, alors que les forces l’abandonnaient. Ces images sont courantes dans nos sociétés contemporaines et fournissent des argumentaires pour la compréhension dudit catéchisme en question.

Cela s’apparente aux films historiques qui rappellent les africains qui tombaient sous les chicottes des féroces colons, qui agonisaient dans les travaux forcés, qui mouraient de la famine, écrasés par la chaleur, la douleur, la fièvre, et disparaissaient comme des esprits qui ne laissaient pas de trace d’existence.      

Le catéchisme africain qui développera l’enseignement du royaume de Dieu vu sous l’angle africain, permettra que l’église en Afrique apporte une réponse cohérente et concise aux problèmes existentiels qui n’ont que trop duré.

Le leadership[11] est donc mis en demeure dans la conception et l’élaboration contextuelle de ce manuel. Notre dénominateur commun étant la tradition communautaire, chaque nation tiendra compte de sa particularité historique, de sa perception culturelle et de son environnement social.   

De ce point de vue le Dr Samuel Kunhiyop a écrit « si toute société est influencée par son histoire, ses croyances et ses valeurs, (l’Afrique semble échapper à cette règle). La connaissance de l’histoire de l’Afrique permet de comprendre ses questions politiques et économiques…. Le manque de cette compréhension  a dévalorisé l’enseignement du christianisme resté superficiel quant à son influence sur le comportement des individus[12] »…..

Il continue « les valeurs soulignent les croyances et présupposés fondamentaux qui déterminent un comportement[13] ». Nous avons donc besoin de retrouver ces repères pour mieux avancer.

Les enseignements doivent s’inspirer des connaissances théologiques et anthropologiques afin d’aider l’église dans sa mission. Les pseudo-conflits scientifiques qui ont opposé les deux disciplines n’ont pourtant pas droit d’être quand on sait que l’anthropologie était une branche de la théologie avant d’être utilisée dans le monde séculier[14].

Les erreurs des missionnaires pionniers dans l’exclusion des connaissances anthropologiques ne peuvent servir d’alibi dans la condamnation de la mission transculturelle. Nous sommes édifiés sur ce point par Paul Hiebert[15], anthropologue chrétien qui dit :

Missionaries often has accused anthropologist of denying people of other culture the right to make their own decisions regarding Christianity and western culture. Anthropologist has accused missionaries of disregarding the good in other culture and of trying to force people to change...... The split between Christianity and anthropology has been unfortunate. Christian needs an understanding of human life that anthropology offers through the study of diverse sociocultural contexts. Anthropologists, I believe, needs the understanding that Christianity provides concerning the transcendent nature of humans and the cosmic history within which they live. These christian views provide ultimate meaning and worth to the richness and diversity of human existence.

Conclusion

Notre réflexion nourrit notre conviction sur la nécessité de l’invention d’un catéchisme africain. Elle fait écho à celle d’Antoine Nouis qui a écrit sur le catéchisme protestant quinze ans après son initiation et qui dit justement dans la préface de son ouvrage « qu’un catéchisme n’est pas un enseignement qui s’élabore dans le calme d’une bibliothèque mais au gré des rencontres qui jalonnent une vie pastorale [16]».

Les leaders ecclésiaux africains penseurs, chercheurs et praticiens ont cette lourde tâche de s’y atteler.

A la réforme au XVIe siècle, le catéchisme était développé pour ramener les croyants dans la parole de Dieu. Les protestants seront les premiers à l’initier suivi des années plus tard des catholiques en 1563.

La paternité de l’invention du catéchisme revient à Martin Luther avec son petit et grand catéchisme en 1529[17]. Par la suite, Calvin, Osterwald et Heidelberg[18], tour à tour développeront aussi leur catéchisme.

Par l’approche systématique ou thématique des saintes écritures, les grands réformateurs ont introduit et développé leurs catéchismes selon le squelette de la catéchèse[19].

La parole de Dieu est devenue centrale, la liberté de pensée[20] autorisée dans la vie des croyants. Il faut comprendre ce qu’on croit.

La simple appartenance à une église n’est pas synonyme d’être sauvé et de mener une vie chrétienne authentique. Mais l’intéressant serait les œuvres de compassion, les œuvres sociales qui se sont pratiquées pour bénir la société.

In fine, de ce point de vue, Serge Molla rapporte que le Dr Martin Luther King « ne peut concevoir l’Eglise comme une institution qui ne se préoccuperait que de l’au-delà. Elle doit au contraire porter une très grande attention à l’ « ici » et au « maintenant » pour que son discours prenne corps et ne s’évanouisse pas dans l’air, manquant ainsi de répondre à sa mission de procurer le pain (de vie). L’engagement auquel elle est appelée n’est pas une possibilité parmi tant d’autres mais la seule voie possible pour attester la foi, l’espérance et l’amour qui l’animent. C’est pourquoi elle n’hésitera pas à prendre position sur le terrain concret de la politique et de l’économie, non parce qu’elle en saurait plus que les spécialistes qui y opèrent, mais plutôt pour souligner les enjeux anthropologiques et d’éthique de telle ou telle loi ou décision, ou le cas échéant s’y opposer[21] ».

Références bibliographiques 

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Blaschke, Robert (2002) Question de Pouvoir, Communiquer l’Evangile aux animistes, ELB asbl 1420 Braine l’Alleud, Belgique

Chabot, Jean-Luc. (1989). La doctrine sociale de l’Eglise, PUF

Chester, Tim (2006), La responsabilité du chrétien face à la pauvreté, Farel, Marne-la-vallée

Cope, Landa (2012), Modèles pour la société, découvrir les modèles bibliques pour influencer nos nations, Ed. JEM, Yverdon

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E. Cairns, Earle (1981). Christianity Through Centuries. Zondervan, Grand Rapids, Michigan

Ela, Jean Marc (2009), Ma foi d’Africain, Ed. Karthala, Paris

Georg, H. (1878). Le premier Catéchisme français de Calvin, Genève

Hiebert, Paul G. (1976). Cultural Anthropology, Ed. Baker Book House, Grand Rapids MI 49506.

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Kunhiyop, Samuel Waje (2016). Ethique Chrétienne Africaine. Ed. Livreshippo.

Luneau, René (2002). Comprendre l’Afrique : Evangile, Modernité, Mangeur d’âmes. Ed. Karthala Paris.

Maquet, Jacques (1966). La Civilisation Noire : Histoire, Techniques, Arts, Sociétés. Ed. Marabout Université, Paris

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Molla, Serge (2008) Les idées noires de Martin Luther King, Ed. Labor et Fides, Montréal

Nouis, Antoine. Un catéchisme protestant, deuxième édition refondue et augmentée, Olivetan, OPEC

Rabaut M, Paul (1842) Précis du Catéchisme d’Ostervald, Nouvelle Edition revue et augmentée, La Rochelle

Richardson, Don (1977). Lords of the earth, Regal books

Salvaing, Bernard (1994). Les missionnaires à la rencontre de l’Afrique au XIXe siècle, Ed. l’Harmattan

Tillich, Paul (1951). Systematic Theology. Vol I, Chicago, University of Chicago Press

Trousdal, Jerry (2012). Miraculous Movements, City Team International

Uzodimna, Obed (2011) The Challenge of Transforming Africa Through the Church. Ed. Elite Press, Ibadan, Nigeria.

End Notes

[1] Il a été observé de par le monde, des pratiques chez des peuples païens qui n’ont pas apparemment eu de contact avec la parole de Dieu, lesquelles s’apparentent aux récits scripturaires. Nous citerons l’exemple des sacrifices que la famille faisait chaque année avant la conversion de notre père. On faisait assoir les enfants sur un cabri qu’on égorgeait. Le sens de cette pratique est de préserver les enfants de maladie ou de sort. Le cabri en mourant emportait les maladies. Une telle histoire constitue un point d’entrée de l’évangile pour expliquer la mort expiatoire de Jésus et plus large la sotériologie. 

Don Richardson dans son livre Lords of the Earth parle des tribus de cannibales qui auraient dans leurs villages des villes de refuge tout comme indiqués dans l’ancien testament et pourtant ces païens n’avaient aucun contact avec la bible.     

[2] Liturgiquement parlant Samuel Kunhiyop nous instruit que les religions africaines comportent une série d’invocations, de prières, des rites et des sacrifices offerts aux dieux, aux esprits, et aux ancêtres. Les adorateurs demandent aux divinités une bonne saison de chasse, la naissance d’un enfant ou d’être protégé du malheur ; ou bien ils rendent grâce de ce que leurs prières sont exaucées. Les paroles employées en disent long sur leurs croyances, leurs valeurs, et leur moralité ….cette invocation démontre un sens aigu de la valeur de la communauté et de la relation qu’on a vis-à-vis de la famille ou du clan.

[3] Ma foi d’Africain, p.184

[4] Depuis quelques années, un mouvement se radicalise parmi la jeunesse africaine sur plusieurs continents, dont les idéologies vont du panafricanisme à l’âge d’or africain. Seulement, il y a amalgame dans le rejet des valeurs occidentales et des enseignements tronqués. L’occident est assimilé au christianisme. Il faut que les intellectuels chrétiens africains réfléchissent à ce phénomène qui détourne les jeunes chrétiens.  

[5] Cultural anthropology, P.xvii

[6]  Systematic Theology. Vol I, p.3

[7] CPE

[8] ABS

[9] Dans la vie pratique de l’Ecclésia : l’Adoration symbolisait l’aspect Théologique, le Service se référait à l’exercice des différents Ministère,  et le Travail à l’Economie. Ministère et Politique étaient interchangeables, c’est ce que Paul sous-entend par le Magistrat qui serait Serviteur de Dieu.

[10] Nous faisons ici allusion à la connaissance qui est dans la tête et qui doit descendre dans le cœur pour devenir expérimentale. En effet, 30 cm séparent la tête (pensée) du cœur, cependant cela peut parfois prendre des années pour que la vérité soit comprise ou appliquée.

[11] Un collègue m’expliquait que dans une région de son pays, les notables ont interdit la proclamation de l’évangile et l’implantation des églises. Ils ont alors imaginé une pratique pour travailler sans attirer des soupçons. Le partage de la foi se faisait autour des tasses de thé puisque c’était la coutume dans la région. Ainsi un culte  pouvait se dérouler incognito.  

[12] Ethique chrétienne africaine, p.19

[13] Ibid. p.21

[14] The term anthropology originally referred to a branch of theology -namely, the study of human beings from a theologically perspective. Anthropology as a social science (based on the observations of human beings) emerges only in the last century. Paul Hiebert.

[15] G. Hiebert, Paul (1976) Cultural anthropology, Ed. Baker Book house, Michigan.

[16] Antoine Nouis. Un catéchisme protestant, deuxième édition refondue et augmentée, Olivetan, OPEC

[17] Le grand catéchisme est un développement du petit catéchisme.

[18] On pourrait dire que le catéchisme de Heidelberg se distance un peu des autres par l’apport des théologiens dont il a sollicité les contributions.

[19] La catéchèse selon Anne Ruolt serait  « toutes les activités d’enseignement offertes par les Eglises aux enfants depuis l’âge de sept ans, tout en appliquant ce terme aussi à l’enseignement des adultes qui se préparent au baptême. Le but de la catéchèse est d’introduire dans la communauté locale en enseignant davantage la doctrine de l’Eglise et le sens des rites ». Du bonheur de savoir lire, p.11.

Le squelette de la catéchèse dont nous faisons allusion a pour articulation : le Crédo, le Pater, le Décalogue, et quelques doctrines de grande importance selon les initiateurs.

[20] En posant la base de l’individualisme protestant avec cette déclaration « Je suis lié par les textes scripturaires que j’ai citées et ma conscience est captive des paroles de Dieu. Je ne puis ni ne veux me rétracter en rien, car il n’est ni sûr ni honnête d’agir contre sa propre conscience », Luther a fait montre devant l’assemblée politique ou la diète de Worms où il comparu après son excommunication le 15 Janvier 1521, d’une audace exemplaire pour les réformateurs et les protestants quant à la responsabilité individuelle ou personnelle face à la majorité des suffrages.

La réaction de Eugène Sue dans « Quelles causes ont amené la réaction catholique » en dit long sur cette position : le protestantisme est absolument subordonné à l’examen de chacun, chacun pouvant interpréter à sa guise les Ecritures et être ainsi qu’on le dit : son propre pape », p.73 et 78.

[21]Les idées noires de Martin Luther King,  p.190

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