Vivre la Bonne Nouvelle dans un contexte africain: Living the Good News in an African Context
WCIU Journal: Area Studies Topic
November 18, 2019
by Moussa Bongoyok
English Abstract
The article on “Living the Good News in an African Context” demonstrates that being a Gospel Ambassador in a deeply wounded Africa is not an easy task. The diversity of this continent and the multiplicity of evils that undermine it can add to the complexity of the task. Yet it is precisely in a dark and sad context that the light of the Gospel is much needed. For this reason, it is advisable to implore divine wisdom to translate the Gospel into the thoughts, looks, gestures, and actions of daily life to the extent that each child of God is a true agent of holistic transformation. The goal is to equip each individual follower of Christ in such a way that he or she is capable of bringing people out of misery, both literally and figuratively. The ultimate goal is to deepen the joy of the people in their respective contexts within the framework of spiritual reconciliation with God and sincere actions motivated by genuine love to meet their felt needs. To walk in the footsteps of Christ and the apostles is to help fellow humans to better understand and transcend their suffering, which unfortunately penetrates all spheres of social life and touches the human being in his body, mind and soul. To achieve this, it is important to rely first and foremost on God but also to do everything possible to better identify the root causes of the problems that the specific context encounters, to devise a consistent strategy in order to overcome them, to put appropriate and transferable resources at the disposal of all the faithful in a format and language that they can easily understand, to ensure a good coordination of activities and to make systematic evaluations, all in a spirit of humility by walking in the footsteps of the Lord Jesus.
Introduction
L’Afrique est l’incarnation même du paradoxe. Bougrement riche en ressources naturelles, elle n’en demeure pas moins le continent le pauvre de la planète. La pauvreté et ses multiples corolaires qui rivalisent en capacité de nuisance au point où, dans de nombreuses familles africaines, les moments de joie ne ressemblent qu’à de minuscules îlots dans un océan de misère.
Pourtant, c’est en Afrique, et surtout dans la région subsaharienne, que le Christianisme croît à un rythme particulièrement accéléré. Nous en voulons pour preuve le fait que le taux du Christianisme ait passé de 9,1% de la population africaine en 1900 avec 7,5 millions de chrétiens (Mandryk et Johnstone, 2010) à 47.9 % en juillet 2017(Joshua Project) avec 595,1 millions d’âmes qui professent la foi chrétienne soit un taux de croissance de 426,3 %. L’on ne saurait donc nier le fait que la foi chrétienne se porte bien en terre africaine. Or, qui dit Christianisme dit Evangile ou Bonne Nouvelle. Du coup, une question s’impose aux chrétiens qui vivent en Afrique : comment vivre la Bonne nouvelle dans un contexte qui ploie sous le poids de mauvaises nouvelles qui semblent s’aggraver au fil des années voire des mois, des semaines et des jours ? Comment faire éclater des cris de joie au propre et au figuré quand la raison semble plutôt imposer un lourd et douloureux silence à défaut de pleurs tant la misère du continent africain est grande ? C’est à ces interrogations que tente de répondre ce modeste exposé.
Mais, avant d’aborder le cœur du sujet, il convient de présenter un peu plus amplement le contexte africain, de définir l’Evangile tel que la Bible le définit tout en soulignant en quoi il est véritablement une bonne nouvelle en contexte africain. Enfin, nous en dégagerons les implications pratiques qui s’imposent sur ce contient afin que ce concept se traduise dans les réalités quotidiennes de la vie chrétienne.
L’Afrique : un continent de joie et de souffrance
En Afrique, la joie et la souffrance semblent être des jumeaux qui vibrent constamment et presque harmonieusement au rythme du tamtam invisible de l’existence. La grande majorité de groupes ethniques chante et danse quand tout va bien et fait la même chose quand tout va mal. Une simple observation des scènes de réjouissances populaires quand une équipe locale ou nationale remporte une coupe de football et des rites funéraires chez les peuples qui conservent jalousement leurs valeurs traditionnelles suffit pour s’en rendre à l’évidence.
En réalité, la joie n’est pas absente du continent africain.
Sujets de joie
L’Afrique est riche en ressources minières. Quelques pays qui, sans être parfaits, ont eu la sagesse de poser des bases solides de la justice sociale - véritable socle de la paix - tout en combattant la corruption, ce véritable cancer socio-économique, ont pu créer un cadre favorable au travail, aux investissements et à la nette amélioration des conditions de vie de leurs populations. Ceci n’est pas sans réjouir des femmes et des hommes qui retrouvent un sourire soutenu par l’espoir même si ces pays sont encore peu nombreux au point où les intellectuels n’hésitent pas à parler d’eux en termes de miracle.
Mais, en dehors des ressources dont regorgent son sol et son sous-sol, l’Afrique est aussi riche en ressources humaines tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. Nombreux sont les cadres africains, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, qui se sont imposés dans toutes les sphères de la société tant au plan local que national, régional et international. Des filles et des fils ont fait et font encore leurs preuves au niveau de l’Organisation des Nations Unies, de grandes organisations internationales ou des multinationales. De plus en plus nombreux sont les érudits africains qui enseignent dans de prestigieuses universités à travers le monde, s’imposent par la qualité de leurs recherches et/ou publications, et se distinguent dans leurs professions. Certaines femmes et hommes d’affaires ont réussi à se hisser dans le cercle restreint des plus riches de la planète. Les innovations, les inventions, les mouvements de transformation se multiplient ces dernières années envers et contre tout. Des dirigeants politiques africains ont apporté des contributions sages et significatives ayant abouti à la paix dans des zones dangereusement menacées par la déchirure, la guerre ou le désordre. Plusieurs d’entre eux ont fait des efforts pour renforcer les institutions du pays et redresser les gestions des ressources de leurs pays. Les écoles primaires, les écoles secondaires, les universités, les grandes écoles, les routes bitumées, les autoroutes, les barrages, la couverture des zones les plus reculées par internet, les stades de football, les complexes sportifs, les hôpitaux, et des investissements semblables se sont multipliés sur le continent au cours des dix dernières années. Même si l’Afrique a encore du chemin à parcourir, ne pas relever les efforts déployés par ces leaders visionnaires et pragmatiques méritent d’être félicités. Se borner à peindre tout en noir serait aller à contre-courant du proverbe africain qui dit : « Même si le lièvre est ton ennemi, il faut admettre qu’il court plus vite que toi. » Par ailleurs, le monde de la musique et du sport seraient lamentables sans l’apport des africains.
L’Afrique est également riche en diversité religieuse. Les quatre plus anciens groupes religieux du continent sont respectivement les religions africaines, le judaïsme (même s’il est moins répandu en ce moment) le christianisme, et l’islam. L’hindouisme et le bouddhisme font aussi des percées ces vingt dernières années grâce au dynamisme des Indiens et des chinois qui sont de plus présents dans la réalisation des grands travaux, dans l’import-export et même le petit commerce. Par le truchement de nouvelles technologies de la communication, force est de relever qu’aujourd’hui l’Afrique est exposée à toutes les religions du monde. Ceci n’est pas sans entraîner des situations fâcheuses ; mais au moins nous relevons qu’en dépit des sursauts fondamentalistes avec leur lot de terreur et de violence, l’Afrique reste largement un continent de tolérance religieuse. En Afrique subsaharienne principalement, mais aussi de plus en plus en Afrique du Nord, il n’est pas rare de trouver des adeptes de religions différentes au sein d’une même famille sans que cela n’occasionne des carambolages dévastateurs des liens familiaux et sociaux. C’est aussi là une richesse car la vie ne saurait être harmonieuse au sein d’une nation sans l’apport des dirigeants religieux et des valeurs de paix et d’amour que leurs religions prêchent. Malgré toutes les imperfections dues à l’éloignement parfois subtil de la source de la vraie paix qui se trouve en le seul vrai Dieu, Créateur du ciel et de la terre, qui a choisi de se révéler par sa Parole devenue chair, Jésus-Christ le Messie et le Prince de la Paix, même les religions non-chrétiennes sont porteuses de valeurs positives. Par exemple, pendant la période de jeûne du mois de ramadan, le taux de criminalité baisse nettement du fait de la concentration sur une observation fervente des principes religieux tels que peints dans le Coran et la Tradition musulmane. Le même fait est observable quand un individu ou un groupe se convertit et met en pratique les valeurs bibliques par obéissance au Seigneur Jésus-Christ surtout dans les milieux évangéliques. Le changement spirituel entraîne alors progressivement - et parfois instantanément - la paix dans le foyer, la transformation, l’abandon de pratiques nuisibles et illégaux, et l’engagement à mener une vie respectueuse des valeurs d’amour, de paix, de vérité, et de justice sociale. Low cite des exemples concrets de transformations aussi radicales que positives des communautés entières du fait de l’acceptation de la foi chrétienne et de l’obéissance au Seigneur (2016, 1-9). Dans ces deux cas, une dimension plus bénéfique de la religion en général et du christianisme en particulier relève de sa dimension éthique qui, du reste, est un véritable ferment de la reconstruction (Kä Mana, 1993). Du côté purement ecclésial, l’Afrique est en droit de jubiler dans la mesure où, nonobstant les effets néfastes de l’intégrisme religieux d’inspiration salafiste avec son lot de violence et d’intolérance, les églises croissent rapidement tant au niveau de la quantité que de la qualité des disciples du Christ sur le continent. Mêmes en par-delà les mers, les communautés chrétiennes africaines sont parmi les plus dynamiques en Occident et dans certaines localités du Proche-Orient. Nous en voulons pour preuve le fait que la plus grande église du Royaume Uni soit une église constituée essentiellement d’africains et dirigée par un Africain d’origine nigériane (converti de l’islam) notamment Matthew Ashimolowo, pasteur de Kingsway International Christian Centre, une église de Londres (Grande Bretagne). Cette église n’est d’ailleurs pas la seule tant la diaspora africaine hisse très haut le drapeau de la foi chrétienne sur tous les continents tout en restant attachée à la philosophie et aux pratiques religieuses des Eglises en Afrique (Adogame, 2013). En outre, nombreux sont les prêtres, pasteurs et missionnaire africains qui dirigent des églises locales, des dénominations, des séminaires théologiques, des ministères d’évangélisation ou d’implantation d’églises, et des organisations para-ecclésiastiques à travers le monde. L’Afrique a de quoi être fière de ses filles et de ses fils.
L’Afrique a aussi la particularité d’avoir une population essentiellement jeune, ce qui lui permet de se positionner comme un continent incontournable sur la scène internationale d’ici à l’an 2100. En effet, si Dieu permet que l’Afrique croisse à un rythme normal, les projections prévoient qu’en 2100, l’Afrique, forte de ses 3,57 milliards d’habitants, sera le continent le plus peuplé du monde. Des pays comme le Nigéria, l’Ethiopie, l’Egypte et la République Démocratique du Congo, seront parmi les dix pays les plus peuplés du monde en ce temps-là.
La subsistance de l’esprit de solidarité africaine en dépit des multiples assauts de l’individualisme porté par des vents étrangers mérite d’être saluée. Au lieu que chacun se replier sur soi-même dans un contexte où les ressources se raréfient à un rythme inquiétant au moment où, paradoxalement la vie devient de plus en plus cher, les africaines et es africains trouvent toujours le moyen de venir en aide aux parents, aux frères et sœurs et même aux parents éloignés, aux amis et et aux autres membres de la communauté qui n’auraient pas émus les occidentaux. Même quand ils sont très loin du terroir, la solidarité est si confortablement ancrée dans les mœurs des Africains que rien ne brise leur élan de générosité. Sur ce point, un rapport du Fonds International de Développement Agricole qui porte sur les transferts d’argent des expatriés vers leurs pays d’origine de 2007 à 2016 est particulièrement révélateur. Il indique que la diaspora africaine envoie 36% d’argent en plus vers leur continent d’origine qu’il y a dix ans avec une enveloppement grosse de 60,5 milliards de dollars en 2016 contre 44,3 milliards de dollars en 2007 (Rodier, 2017). Au-delà du flux financier, il faudrait voir un élément plus riche et profond : le sens de la communauté. Or, pour emprunter les termes de Zikpi, « Nous voulons signifier que le sens de la communauté qui est assez fort en Afrique noire peut constituer une pierre d’attente pour promouvoir dans l’Eglise une pastorale de soutien et d’accompagnement des souffrants et de tous ceux qui sont affligés par le mal. » (2014, 69).
La préservation de ce qui reste des mœurs et de la morale malgré les vagues on ne peut plus violentes de la mondialisation et des nouvelles technologies de l’information qui s’infiltrent jusque dans les endroits les plus reculés. De nos jours, il n’est pas rare de voir des grandes mères aller au champ avec la même houe qu’utilisaient des ancêtres depuis la nuit des temps tout en attachant solidement des smartphones au bout des pagnes afin de pouvoir non seulement écouter mais aussi et surtout voir leurs filles, fils et petits-fils que les vents de l’exode rural ou de la lutte pour la survie ont poussés volontairement ou involontairement sous d’autres cieux parfois à cause de la mal gouvernance et de décisions politiques peu réfléchies.
Parlant justement de la politique, même si les évangéliques trainent encore les pas, les églises participent de plus en plus aux débats qui touchent de près la gestion des collectivités locales, régionales et même de la nation (Djéréké, 2014, 145-153). Les chrétiens qui occupent de hautes responsabilités administratives et politiques sont de plus en plus nombreux et plusieurs parmi eux marquent la différence sur la scène nationale et internationale, en menant une vie intègre, en refusant la corruption et la fausseté, en servant efficacement leurs populations, et en gérant fidèlement les ressources qui leur sont confiées. Ces femmes et ces hommes dignes de respect démontrent à suffisance qu’il est bien possible d’être administrateur civil ou politicien et fidèle au Seigneur à l’instar de Joseph qui était l’équivalent d’un Premier Ministre en Egypte, de Déborah qui était juge en Israël, ou de Daniel qui a battu le record de longévité dans la plus haute administration des royaumes qui se sont succédés.
A ce fagot de sujets de jubilation s’ajoutent l’esprit de créativité, le dynamisme, la flexibilité, la facilité d’adaptation à des situations socio-politiques qui auraient pu déclencher une révolution dans d’autres régions du monde, le respect des aînés et des personnes âgées, les progrès enregistrés dans le domaine de la santé ou de l’enseignement tant au niveau primaire que du secondaire et du supérieur en passant par les diverses écoles professionnelles et qui n’ont parfois rien à envier aux écoles occidentales. La liste est loin d’être exhaustive. Toutefois, elle reste à parfaire car ces sujets légitimes de joie ne sauraient occulter la montagne de douleur qui domine le paysage socio-économique africain et poignarde les populations africaines jusque dans la profondeur de leurs âmes.
Sujets de graves préoccupations
Le premier trait caractéristique du continent africain semble être la pauvreté. La paupérisation croissante et handicapante du continent semble transformer des pays entiers en une confrérie d’éternels assistés. Le pire c’est que les efforts de développement semblent être engloutis par des personnes ou des groupes véreux qui se dessinent telle une version contemporaine et cauchemardesque des vaches maigres du rêve de pharaon (cf. Genèse 41) et où les Joseph semblent avoir fui en catimini. Même les projets de développement les plus prometteurs semblent rapidement rejoindre ce que Owono appelle « un vieux cimetière d’anciens plans de développement » qui est en fait synonyme du continent dans la pensée de cet auteur (2011,14).
Comme le malheur ne vient jamais seul, l’un des rouleaux compresseurs qui écrasent les moins nantis à une vitesse vertigineuse avec des ravages de proportions incommensurables est la corruption. Dans certains pays, elle a atteint un niveau si gravissime que même celles et ceux qui sont sensés prêcher la bonne moralité ou dire le droit sacrifient leurs âmes sur l’autel du conformisme tellement elles/ils sont convaincus que rien ne peut plus arrêter la progression de l’un des plus grands monstres du 21e siècle. C’est alors que l’on est en droit de demander : Où sont les Joseph, les Daniel, les Hananiah, les Azariah, les Michael, les Mardochée, les Esther, les Deborah, les Marie, les Pierre ou les Paul de notre temps, pour nous limiter à ceux-là ? Seul l’histoire dira ce que le silence complice de celles et ceux qui sont censés être la voix des sans voix et les défenseurs des faibles aura causé à un continent déjà affaibli par de nombreuses injustices subies au fil de son histoire. Quand pour un concours lancé pour le recrutement de 9.000 personnes à la fonction publique est pris d’assaut par un million de candidats comme ce fut le cas tout dernièrement dans un pays d’Afrique de l’Ouest, l’on comprend pourquoi, en désespoir de cause, de vaillantes filles et de vaillants fils décident de faire un saut dans le vide en traversant le désert Sahara et/ou la Méditerranée vers un hypothétique El Dorado européen. Malheureusement, seul Dieu connait le nombre de ceux d’entre eux qui sont morts de soif dans le désert du Ténéré ou qui ont été engloutis par le cimetière liquide de la Méditerranée à l’insu de leurs amis ou des membres de leurs familles qui se sont parfois cotisés pour qu’au moins l’un des leurs s’échappe du bateau qui coule lentement et dangereusement. D’autres se sont jetés avec armes et bagages dans la gueule d’un autre monstre que représentent les groupes terroristes et ont perdu ce qu’ils ont de plus cher, leur propre vie. Les plus chanceux s’en sont tirés avec quelques blessures, quelques années de prison ou d’humiliations. D’autres encore croupissent encore dans des prisons s’ils ne sont tout simplement pas pris en otage ou réduit à une nouvelle forme d’esclavage que très peu de journalistes ont le courage de décrire tellement on se croirait à une époque que la conscience humaine pense révolue.
Le banditisme gagne du terrain sous diverses formes. Les sectes pernicieuses n’hésitent pas à agir en véritables coupeurs de route en costumes évangéliques. Elles se servent de la religion sans vergogne pour s’enrichir au prix d’une fausse spiritualité, de la trahison, de la division, et même de la criminalité et des assassinats directs ou indirects. Certains faux serviteurs et servantes du Seigneur pêchent en eaux troublent en jouant la carte du tribalisme ou du régionalisme, donnant ainsi la fausse impression qu’ils luttent pour la justice au sein des communautés ecclésiales alors qu’en réalité ils constituent une bande de loups ravisseurs. En fait, ils sont animés par le même esprit que des fonctionnaires ou des employés qui pillent les caisses de l’état ou des entreprises privées sans vergogne en se disant que de toute façon « la chèvre broute là où elle est attachée ». Tout en condamnant avec la dernière énergie le racisme, le tribalisme et le népotisme, il convient d’éviter de propulser dans le leadership de l’église une femme ou un homme qui n’a pas les qualifications spirituelles et morales nécessaires juste pour qu’il y ait un changement. Pire, il serait très déplorable faire usage de fraude ou de monnayer l’élection à un poste de responsabilité au sein d’une église ou d’une œuvre chrétienne en battant campagne à la manière et en achetant les consciences avec de billets de banque, de dons matériels ou de promesse de telle ou telle en échange du vote. Les assemblées générales et les conseils d’administration des diverses dénominations et œuvres chrétiennes ont l’impérieux devoir redoubler de vigilance dans les domaines susmentionnés et sanctionner les coupables sous peine de tomber sous le coup de la mondanité à l’heure l’Eglise semble être l’un des derniers espoirs d’une société en perte de vitesse.
D’autres groupes soi-disant chrétiens font miroiter un faux évangile de prospérité qui promet monts et merveilles sur tous plans et qui n’est en réalité qu’une duperie masquée, aggravant au passage la misère des populations déjà réduites à leur plus simple expression. Et, pour combattre les excès de la théologie de la prospérité, certains leaders n’ont pas trouvé mieux à faire que de ressusciter les vieux démons de la théologie de la pauvreté oubliant que c’est même l’une des racines des maux qui ont freiné le développement de nos communautés. En fait l’Afrique n’a besoin ni de la théologie de la prospérité, ni de celle de la pauvreté, mais de la Bonne Nouvelle équilibrée qu’a prôné le Christ qui a parlé des bénédictions sans nier les persécutions, les tribulations et la souffrance même sur la voie de la fidélité. C’est aussi cette Bonne Nouvelle raisonnable qui a fait dire à Paul : « Je sais vivre dans l’humiliation et dans l’abondance. En tout et pour tout j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette… » (Philippiens 4 :12).
Il serait irresponsable de passer sous silence cet autre grand frein au développement du continent : l’occultisme sous des diverses facettes. Beaucoup d’investisseurs ont préférer cacher leurs ressources et vivent comme de faux pauvres pour la simple raison qu’ils craignent de mettre rapidement un terme à leur vie ou d’exposer les membres de leurs familles en faisant de grandes réalisations, en créant de grandes entreprises ou en construisant de beaux bâtiments. Certains leaders tant de le privé que dans le public se sont retrouvées dans des sectes pernicieuses et des sociétés secrètes par peur des répercussions cosmiques et de malheurs qui pourraient se déferler contre eux par le truchement de sorcellerie ou de la magie. Pourtant, seul le Dieu peut véritablement protéger une vie ici-bas et jusque dans l’éternité car c’est lui qui est la source de la vie et c’est lui seul qui est véritablement bon et Tout Puissant Heureux sont ceux qui se confient en lui et malheur à ceux qui s’appuient sur le Diable, sur les puissances ténébreuses ou même sur leurs semblables (Psaume 23 :1-6, 33 :12, 40 :4, 84 :5, Esaïe 40 :31 ; Jérémie 17 :7 ; 1 Timothée 4 :10, 6 :17 ; 2 Corinthiens 1 :10-11 ).
La participation des femmes à l’épanouissement des communautés chrétiennes et au développement de la nation est en nette progression mais il faut avouer qu’elle est encore très timide dans de nombreuses communautés. Pourtant femmes et hommes ont la même valeur aux yeux de Dieu. En Christ il n’y a plus ni homme ni femme (Galates 3 :30). Par ailleurs le prophète Joël a écrit, sous l’inspiration divine : « Après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, et vos jeunes gens des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes, dans ces jours-là, je répandrai mon esprit. » (Joel 2:28-29). Dans le même ordre d’idées, les dons spirituels sont accordés aux hommes comme aux femmes et tant dans l’Ancien que le Nouveau Testament les femmes ont fait des merveilles sous la direction divine et pour sa gloire contribuant ainsi de manière très significative à l’édification spirituelle du peuple de Dieu et à l’amélioration des conditions de vie de la société toute entière. Sans sombrer dans certaines dérives du féminisme, les sœurs en Christ méritent d’être formées, encadrées et encouragées à exceller dans les ministères à elles confiées par le Maitre de la moisson. La transformation des églises locales, la redynamisation des œuvres chrétiennes et le développement du continent africain ne fera pas sans les femmes.
Le phénomène de castes est une autre montagne sur la voie du progrès spirituel et socio-économiques. Dieu ne fait acception de personne (ref.). En outre, personne n’a choisi de naitre dans telle ou telle caste, dans tel ou tel clan ou groupe social. Se considérer supérieur ou inférieur à une autre personne à cause de sa caste, de son teint, ou de son héritage culturel serait tout simplement illogique et insensé. Christ est venu faire tomber les barrières de ce genre dans l’esprit de 1 Cor…. Aussi est-il impératif de faire disparaître les murs qui nous emprisonné dans un passé révolu pour celles et ceux qui appartiennent au cours du Christ. Ainsi le clivage forgerons-non forgerons par exemple n’a aucun fondement biblique. Tous les chrétiens appartiennent à une seule caste, celle du lion de la tribu de Juda, du Messie, du Rédempteur (Romains 12 :4-5, 1 Corinthiens 12 :25 ; Ephésiens 2 :19-22).
L’espace imparti est insuffisant pour parler amplement du néocolonialisme se porte à merveille sur le continent, du surpeuplement, de la pollution, des engrais chimiques et des pesticides qui tuent l’Afrique à petit feu, de l’exploitation de l’homme par l’homme, du pillage systématique des ressources du terroir avec la bénédiction de la communauté internationale et la complicité de plusieurs dirigeants locaux, de l’injustice sous diverses formes, de l’enrôlement même des enfants dans des guerres fratricides, de la prostitution, de la faymania, de le banditisme, de la tricherie, de la haine, de la violence physique ou verbale, de la persécution religieuse ou politique, du mauvais traitement des enfants ou des femmes, de l’humiliation, de l’irresponsabilité, de la paresse, de l’alcoolisme, de la drogue, des décisions et des pratiques qui nuisent gravement à la santé, des violations des droits de l’homme, des atteintes à la sécurité des biens et des personnes, de la dépravation des mœurs qui envahit les cercles qui ont su préserver une certaine pudeur jusqu’ici, des conditions inhumaines dans lesquelles vivent les détenus, du syncrétisme religieux, et d’une pléiade d’autres maux semblables qui ont rendu l’Afrique malade, voire gravement souffreteuse. Et le pire c’est qu’elle a tellement pleuré qu’elle n’a plus de larmes...
Cette section, loin d’être exhaustive, donne un aperçu général des joies et des peines de l’Afrique. Cela permet de mieux mesurer le chemin parcouru par les ambassadrices et ambassadeurs du Christ dans le passé, d’appréhender de façon équilibrée ce qui se fait dans le présent, et de mesurer le chemin à parcourir sans passion maladive. Cependant, avant de songer même à s’engager sur la voie qui semble se dessiner, une question s’impose : A la lumière de ce qui précède, en quoi l’Evangile est-il une bonne nouvelle pour l’Afrique ?
En quoi l’Evangile est-il une Bonne Nouvelle en contexte africain?
Le vocable « évangile » découle du terme grec euangelion qui signifie bonne nouvelle. Ce terme était utilisé dans la société grecque antique pour saluer la naissance d’un bébé, une victoire militaire et tout autre nouvelle joyeuse. Les auteurs du Nouveau Testament, sous l’inspiration du Saint Esprit ont emprunté ce terme tout en lui donnant un contenu et une orientation spirituelle. Ainsi, l’Evangile (avec une majuscule) désigne la Bonne Nouvelle de la venue, de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus Christ en vue de sauver gratuitement quiconque regrette sincèrement ses péchés et place en lui toute sa confiance pour son salut. Les livres qui relatent la vie et les œuvres du Seigneur Jésus-Christ de sa venue dans ce monde jusqu’à son retour au ciel après avoir brillamment accompli sa mission sur terre s’appellent les évangiles (avec une minuscule).
Ainsi donc, l’évangile est par définition même une bonne nouvelle pour toute l’humanité comme le souligne si bien Blandenier : « L’Evangile n’est pas un produit occidental, il est le don de Dieu à l’humanité par son Fils né d’une femme au sein d’un petit peuple d’Orient que Dieu a mis à part, au carrefour des continents, en vue du salut du monde (2003,584). » Seulement, ce salut est-il essentiellement une réalité bienfaisante qui se conjugue au futur et se limite au fait que l’âme humaine va échapper au châtiment éternel afin de jouir du bonheur éternel dans un paradis lointain et céleste où il n’y aura ni deuil, ni cri, ni douleur selon ce qui est écrit en Apocalypse 21 :4 ?
Il semble qu’une relecture attentive de Luc 4 :16-2 place l’Evangile sous un angle plus vaste. En fait, dès le début de son ministère, le Seigneur a bien voulu attirer l’attention de l’humanité sur le fait que la Bonne Nouvelle ne saurait être réduite à la dimension spirituelle. Elle est holistique en ce sens qu’elle touche l’être humain dans toutes ses dimensions physiques, morales, intellectuelles et spirituelles, aux plans individuel et social. En clair, Dieu ne préoccupe pas seulement du salut de l’âme. Il se préoccupe de la santé physique, et du bien-être du corps qu’il a créé. Il tient également à l’épanouissement intellectuel de celles et ceux que Dieu a bien voulu créer à son image. Ainsi donc, l’évangile, s’il est bien assimilé, est véritablement une Bonne Nouvelle pour l’Afrique et pour le monde entier. Loin d’être un « opium du peuple », pour faire allusion à la manière dont Karl Max et ses disciples ont perçu la religion, l’Evangile quoique s’inscrivant par sa nature même dans une sphère religieuse, est plutôt une chance voire une bénédiction pluridimensionnelle pour l’humanité car il est susceptible d’impacter positivement toutes les sphères de la société notamment la famille, l’éducation, le business, le gouvernement, les médias, la religion, la santé, la sécurité, et même les loisirs. Dans cette optique, force est de relever que l’histoire de l’Eglise et celle des Missions regorgent d’exemples d’homme et des femmes qui, inspirés par l’Evangile, ont servi les marginalisé, construit des écoles, édifié des hôpitaux ou des centres de santé, traduit la Bible dans les langues africaines pour les rendre plus accessibles tout en favorisant leur préservation par la même occasion, sensibilisé les fidèles à prendre activement part au développement économique et socio-politique de leurs pays et de leurs régions, mis sur pied des structures favorisant un traitement plus humains de nos semblables, dénoncé les déviations des dirigeants quand il se fallait tout en faisant des propositions concrètes en vue de les aider à mieux réussir leurs lourdes et nobles responsabilité, introduit des idées ou des outils qui ont favorisé l’autosuffisance de certaines populations, milité en faveur de l’épanouissement de la femme, contribué efficacement à la protection des enfants ainsi que de l’environnement dans lequel ils vivent etc.
Comment pourrait-il en être autrement quand, au cœur même de l’Evangile et de la Bible toute entière se trouve l’amour pour Dieu et pour le prochain. C’est là d’ailleurs la formule la plus idéale pour poser les bases d’une société saine et productive (Light, 2012 :257-258). Pour abonder dans le même sens mais en soulignant un aspect important, cet amour - tel que décliné dans Matthieu 22 :37 et 1 Corinthiens 13 – est un amour qui parle mais aussi qui agit concrètement. Or, l’Afrique a plus que jamais besoin de paroles d’encouragement mais aussi des actes concrets qui répondent à ces besoins les plus profonds.
Pourtant, de nos jours le tableau combien aguichant et débordant d’amour, de justice sociale et de miséricorde que peint la Bible semble s’être subitement assombri. La situation est si préoccupante que plusieurs intellectuels africains, à l’instar d’Achile Mbembe dans Afriques indocile : christianisme, pouvoir et Etat en Afrique postcoloniale (1988), jettent un regard peu flatteur sur l’apport de la foi chrétienne dans une Afrique postcoloniale en quête de panacée tant ses maux sont pluriels et gravissimes. Pourquoi un Evangile si flatteur et édifiant au plan purement théorique ou théologique semble avoir de la peine à apporter à l’Afrique le soulagement qu’il appelle de toute l’énergie qui reste encore dans ses veines ? Pourtant, de nombreuses personnes qui sont aux affaires et font souffrir leurs contemporains sont parfois des chrétiens pratiquants ou même des responsables des services paroissiaux comme l’observe Bira (2015 , 40-48). Un malheureux hiatus s’est donc installé entre les convictions chrétiennes et la vie quotidienne. Qu’est-ce qu’il faut faire concrètement pour que la Bonne Nouvelle façonne la vie quotidienne des chrétiens niveau personnel, ecclésial, politique, et socio-économique en contexte africain?
Comment vivre la Bonne Nouvelle en dépit des circonstances aussi fâcheuses que dévastatrices?
Comme nous l’avons relevé plus haut, l’Afrique est immense, plurielle et complexe. Un pays comme le Cameroun comporte à lui seul 260 groupes ethniques. Comment trouver une recette qui s’applique à l’ensemble du pays dans le respect des principes bibliques tout en prenant en complètes les réalités propres à chaque contexte linguistique et culturel ? Or l’Afrique, forte de presque une soixantaine d’états et de territoires, est encore plus alambiquée. Dans ce cas, la raison impose de se limiter à des orientations stratégiques qui posera les jalons d’un programme concret et pratique que chaque groupe de chrétiens doit développer pour son contexte immédiat afin que l’Evangile soit véritablement une bonne nouvelle pour les Fulbe nomades comme pour ceux qui se sont sédentarisés, pour les Zulu comme pour les Arabes d’Afrique du Nord, pour les habitants des villages les plus reculés et dépourvues d’eau courante ou d’électricité comme pour ceux qui habitent dans des villes qui tutoient leurs sœurs d’occident, pour les prisonniers ou les démunis comme pour les leaders de nos nations, pour les femmes comme pour les enfants, pour faibles dans la foi comme pour les forts, pour les jeunes comme pour les enfants comme pour les personnes de troisième âge, pour les analphabètes comme pour les érudits, pour les personnes physiquement ou mentalement défiées comme pour celles qui jouissent de toutes leurs facultés physiques et mentales, pour les pauvres comme pour riches, pour ceux qui pleurent comme pour ceux qui rient, pour ceux qui ont échoué comme pour ceux qui ont réussi, pour ceux qui sont en zone de conflit ou de terrorisme comme pour ceux qui jouissent de la paix, pour ceux qui sont opprimés comme pour les dirigeants politique tant au niveau national qu’international, pour les non-chrétiens comme pour les chrétiens, pour les fidèles comme pour leurs bergers spirituels, pour les petites comme pour les grandes communautés, pour les désœuvrés comme pour les hauts fonctionnaires ou les chefs d’entreprise, bref pour tous les êtres humains sans distinction aucune. Ceci est un programme, mieux un style de vie qui concerne le vécu quotidien de l’ensemble des communautés et des groupes chrétiens comme l’a si bien perçu le pape Jean-Paul II dans sa lettre apostolique (2001, 294).
Pour y arriver nous proposons une stratégie qui se décline en six articulations sous l’acronyme PRECHE :
Prière
Recherche
Équipement
Coordination
Humilité
Evaluation
Prière
C’est Dieu « qui produit en nous le vouloir et le faire selon son bon plaisir ». C’est Donc en lui et en lui seul que les croyants trouvent la sagesse et la force nécessaires pour vivre la Bonne Nouvelle d’une manière motivée par l’amour pour Dieu et pour les prochains, fidèle à la saine doctrine, constante, harmonieuse, fidèle. Implorons sans cesse sa faveur, sa direction et sa stratégie pour le contexte spécifique où nous nous trouvons. Il convient donc de prier avant et par-dessus tout. Mais faut-il pour autant se limiter à cela ?
Recherche
Dieu est fidèle. Il fera toujours sa part. Cependant, il tient aussi à ce que celles et ceux qui croient en lui fassent aussi la leur. Dans plusieurs récits bibliques, nous voyons qu’il a demandé aux femmes et aux hommes de prendre des initiatives, de mener des actions, de faire tout ce qui est à leur portée. Par exemple, David a placé sa foi en Dieu mais il a aussi courageusement affronté le géant Goliath en mettant un caillou soigneusement choisi dans sa fronde et en se plaçant dans une posture favorable pour viser la partie la plus vulnérable du corps de Goliath qui était bien revêtu pour la circonstance. Dieu a honoré sa foi en faisant réussir ce qui semblait un acte suicidaire aux yeux de plusieurs tant en Israël que dans le camp des Philistins. De même dans l’histoire de la multiplication de l’huile de la veuve, il a fallu que la veuve prenne l’initiative d’aller vers l’homme de Dieu pour exposer sa détresse, et obéisse aux instructions de l’homme de Dieu en rassemblant des cruches vide en très grande quantité, en fermant la porte et en versant patiemment de l’huile dans chaque cruche jusqu’à épuisement non pas de l’huile mais de cruches. Un dernier exemple est celui de la résurrection de Lazare où Jésus a demandé aux êtres humains de faire leur part en roulant la pierre et en le déliant une fois miraculeusement sorti du tombeau mais entre les deux activités il est intervenu par sa divine puissance en ramenant Lazare à la vie. Ceci démontre à suffisance que les disciples du Christ ne sauraient se contenter de prier comme si tout dépendait de Dieu. Chaque croyant(e) aussi le devoir de faire tout ce que Dieu leur donne la capacité de faire là où Dieu l’a placé(e). Pour y arriver, la recherche semble être un préalable incontournable pour toute activité contextuelle efficace encore que la vision traditionnelle du monde façonnée par les religions africaines et les coutumes ancestrales continuent à avoir une forte influence sur la vie des chrétiens en Afrique (Chalk, 2013 :171-180). Ce n’est pas pour rien que Moïse a envoyé douze espions en terre promise pour explorer le payer de long en large et ramener des informations précises (Nombres 13). Ce n’est pas non plus par simple routine que Josué a aussi envoyé deux espions à Jéricho avant de conquérir cette ville combien stratégique (Josué 2). Il convient donc de mener des recherches approfondies, avant de concevoir un plan stratégique pour aider les chrétiens d’une église locale, d’une localité, ou d’une zone géographique précise à être des ambassadrices et des ambassadeurs de la Bonne Nouvelle en théorie et en pratique. Ces recherches doivent permettre de mieux comprendre les forces, les faiblesses et les opportunités de l’église dans tous les secteurs de la vie publique et privée d’un contexte spécifique. Elles chercheront à mieux comprendre les groupes ethniques représentés dans cette localité, leur histoire, leur organisation politico-religieuse, leurs valeurs culturelles, leur vision du monde, les mutations en cours en leur sein, leurs aspirations profondes, leurs besoins réels, ce qui a déjà été fait en leur sein, l’impact des ministères ou des projets passés, les perspectives d’avenir et toute autre information utile pour que l’Evangile soit réellement une bonne nouvelle dans ce contexte et que les chrétiennes vivent de manière à pratiquer l’Evangile en paroles en en actes, en privé et en public, à l’église et dans toutes les sphères de la société. La recherche est aussi indispensable pour mieux cerner la logique derrière les conflits ethniques et religieux et les moyens de désamorcer les bombes philosophiques et morales enfouies dans la conscience individuelle et collective (Cf. McCauley, 2017). Mais, pour y arriver, il est aussi indispensable de concevoir un plan stratégique conséquent (SMART) et de produire et de rendre disponibles des outils appropriés.
Equipement
Les recherches et le plan stratégique vont permettre d’élaborer des manuels, des canevas, des ressources audio-visuelles ou des documents profonds mais présentés dans un style simple et accessible même aux personnes qui n’ont pas un grand niveau intellectuel. A ce titre la Bible d’Etude africaine, disponible en français sont de précieux outils pour l’enracinement de la foi des chrétiens d’Afrique. Cette Bible comporte des introductions contextualisées et de nombreux articles qui touchent pratiquement tous les aspects de la vie sur le continent.
L’usage des langues africaines est vivement recommandé dans les contextes où la population n’a pas la maîtrise des langues officielles. Chaque fidèle est une actrice ou un acteur important dans la proclamation et l’application de l’Evangile dans la vie quotidienne. Ainsi, chacun a droit aux ressources nécessaires pour lui permettre de vivre la Bonne Nouvelle quel que soit son niveau intellectuel, sa langue, ou son style d’apprentissage. Ces ressources, pour contribuer efficacement à l’épanouissement intégral de l’être humain tout entier, ne saurait se limiter aux seules dimensions spirituelles. C’est ici le lieu d’affirmer avec Bayili que les universités chrétiennes ont un grand rôle à jouer dans l’équipement des fidèles en devant « des lieux où on apprend à apprendre, à constater, mais aussi et surtout des cadres où l’on peut apprendre à comprendre, comprendre ce que l’on apprend, comprendre les autres et soi-même, comprendre son milieu et son destin, de même que le destin de tous les humains. (2014 :168)». Il convient même d’aller plus loin en amenant le savoir universitaire jusque dans les villages tout en respectant celles et ceux qui n’ont pas eu l’opportunité de frotter les savoirs endogènes aux connaissances occidentales mais qui ne manquent si de sagesse ni de savoir-faire capable de promouvoir un enrichissement mutuel entre intellectuels et personnes sous-scolarisées. Cet exercice permet également de tirer des leçons ancêtres en vue de mieux préparer l’avenir (Brink, 2016, 251). Tous ces paramètres sont vraiment utiles mais ordonnent une bonne coordination des actions sur le terrain.
Coordination
Toute entreprise humaine a besoin d’un minimum d’organisation pour réussir. Vivre la Bonne Nouvelle n’en est pas exempté. Aussi faudrait-il mettre sur pied une petite équipe de (trois à cinq personnes par exemple) pour veiller à la mise en œuvre effective du plan stratégique, répartir les tâches, coordonner les activités, superviser les équipes déployées sur le terrain et être disponible pour clarifier, orienter, encourager, redresser et servir les sœurs et les frères résolument engagés à vivre la Bonne Nouvelle en dépit des obstacles et des circonstances adverses. Même dans la gestion des aides, la conception des projets de développement et leur réalisation, il est important de prendre en compte les facteurs culturels et religieux et d’impliquer activement les populations locales (Ilo, 2014 :143-151). Ces populations vont alors s’approprient la vision, participer au succès des projets de développement tout en investissant elles-mêmes leurs ressources si maigres soient-elles. Cela nécessite une fois de plus un leadership dynamique et réellement au service des prochains sans calcul égocentrique ou politique. Mais, même une bonne équipe de leaders peut échouer lamentablement si l’orgueil installe son trône dans les cœurs.
Humilité
Le Seigneur Jésus-Christ lui-même a mené une vie d’humilité (Jean 13 :1-16 ; Matthieu 20 :25-28 ; Philippiens 2). Aucun disciple sérieux ne saurait cultiver une attitude contraire. En réalité, « qu’avons-nous que nous n’ayons reçu » ? (1 Corinthiens 4 :7). Si personne n’a choisi sa race ou son groupe ethnique, si personne n’a choisi de naître homme ou femme, si personne n’a choisi sa caste ou sa famille biologique, si c’est par pure grâce que chaque être humain a reçu le souffle de vie et sans lequel aucune activité n’est possible, si c’est par sa pure grâce que l’on est sauvé, si c’est par pure faveur que chaque croyante ou croyant en Jésus-Christ a reçu au moins un don spirituel, si c’est Dieu qui élève et qui abaisse conformément à sa parole en, alors sur quel base logique un individu peut se permettre de se croire supérieur à un autre quelque que soit son grade, sa connaissance ou sa fonction ? Par ailleurs, si tous les chrétiens (femmes et hommes) réalisent qu’ils constituent une seule famille en Jésus Christ et prennent conscience du fait qu’ils amassent tous dans un grenier commun - celui du Père céleste - les luttes intestines et les divisions les unes plus scandaleuses que les autres devraient céder la place à l’amour fraternel et à la collaboration pour la gloire de Dieu et l’amour du prochain. L’humilité est la clé la plus efficace pour prévenir et résoudre les conflits. Il faut cependant avouer que la nature humaine est forcément orgueilleuse mais qu’en maintenant une communion profonde avec Dieu, en implorant son secours dans la prière et en puisant la force de mener constamment une vie d’humilité en Dieu lui-même, la réussite est assurée. Par contre, opter pour la voie de l’orgueil c’est courir le risque d’avoir une fin désastreuses (Proverbes 16 :18, 29 :23 ; Matthieu 23 :12 ; Luc 14 :11 ; 1 Pierre 5 :5-6). Même en cas de succès il est dangereux de s’approprier et de s’attribuer la gloire qui revient à Dieu (Cf. Daniel 4 :28-37 ; Actes 12 :21-23 ; 14 :13-15). Vivre la Bonne Nouvelle nécessite donc beaucoup de précautions d’où l’importance d’une évaluation régulière afin de maximiser les réussites sans sombrer dans le piège de la médiocrité ou de l’orgueil.
Evaluation
Toute œuvre humaine est perfectible, d’où la nécessité d’évaluer régulièrement toutes les activités susceptibles d’aller dans le sens de vivre la Bonne Nouvelle. Chaque chrétienne ou chrétien gagnerait à faire une planification des activités spécifiques à mener dès les premières minutes de la journée (ou de la soirée selon les horaires de travail) et une auto évaluation en fin de journée afin de mieux mesurer ce qui a bien marché, ce qu’il faudrait améliorer, et la stratégie qu’il faudrait mettre sur pied pour maximiser les réussites et minimiser les échecs. De même une église locale gagnerait à évaluer progressivement toutes les activités de l’église dans chaque secteur. Les actions ciblées à l’instar de celles qui sont directement liées à une campagne d’évangélisation systématique comportant des activités intenses en une semaine seront évaluées chaque jour pendant le déroulement des activités et au terme de la période préalablement retenue pour une telle activité. L’évaluation prendra en compte les aspects logistiques, les méthodes utilisées, le contenu des messages, les résultats obtenus, le fonctionnement des différentes commissions ou équipe, constituées dans ce cadre de cette campagne (brigade de prière 24 heures sur 24, la commission de secourisme, l’équipe de restauration, l’équipe de secourisme, l’équipe de supervision, la commission de sécurité, la commission de gestion matérielle et financière, le secrétariat etc.). Ainsi, il n’est pas nécessaire d’attendre un an dans ce cas précis. Par contre, une église locale évaluera mensuellement (ou parfois une fois par semaine) le service de nettoyage, les groupes de prière, les cellules de prière dans les quartiers, l’école du dimanche, le groupe de femmes, chaque chorale ou mouvement actif au sein de l’église, le service de communication, la jeunesse, le ministère du diacre, le ministère des anciens, le déroulement des cultes (forme et contenu), le déroulement des enseignements ou des études bibliques, le service de communication, les relations avec d’autres églises locales et avec les structures établies au sein de la dénomination par ordre hiérarchique (si hiérarchie il y a), la gestion des bâtiments et des biens autres ressources matérielles dont l’église dispose, la gestion des finances, le travail du pasteur ou de l’évangéliste ainsi que celui de tout responsable établi par l’église. Elle fera aussi une évaluation globale une fois par semestre ou par an. L’évaluation annuelle au sein d’une église ou d’une œuvre chrétienne se fera de préférence en fin d’année et avant de commencer la nouvelle afin de poser des bases plus solides de progrès. En ce qui concerne particulièrement l’évaluation du ministère pastoral, N’guessan ouvre un précieux outil dans son livre intitulé L’évaluation du ministère pastoral (2017). O’Donovan offre aussi des repères bibliques et pratiques très importants dans deux livres publiés en 1998 et en 2002.
Dans cet exercice d’évaluation, grande est la tentation de commencer par les critiques et les observations négatives. C’est un piège car cela peut ouvrir la porte au découragement, aux frustrations et aux tensions inutiles. Par contre celle ou celui qui commence par relever ce qui a réussi ou ce qui a bien marché obtient par là même le passeport moral qui lui permet de parler de ce qu’il faudrait améliorer. Evidemment une évaluation n’est pas bénéfique si l’on ne dégage pas les leçons qui s’imposent, les actions mesurables à mener pour mieux réussir dans l’avenir, le chronogramme des activités précises, les personnes chargées de veiller à l’exécution effective des décisions prises, et la mobilisation des ressources nécessaires pour y parvenir.
Conclusion
Vivre la Bonne Nouvelle dans une Afrique profondément meurtrie n’est pas une tâche facile. La diversité de ce continent et la multiplicité des maux qui le minent peuvent alourdir cette responsabilité. Pourtant c’est justement dans un contexte ténébreux et triste que la lumière de l’Evangile est beaucoup plus nécessaire et fructueuse. Pour cette raison, il convient d’implorer la sagesse divine pour traduire l’Evangile dans les pensées, les regards, les gestes et les actions de la vie quotidienne à telle enseigne que chaque enfant de Dieu soit un véritable agent de transformation holistique susceptible de sortir les populations de la misère tant au sens propre que figuré et d’approfondir la joie des populations dans leurs contextes respectifs. Marcher sur les traces du Christ et des apôtres c’est les aider à mieux cerner et transcender leur souffrance qui pénètre malheureusement toutes les sphères de la vie sociale et touche l’être humain dans son corps, son esprit et son âme. Pour y arriver, il est important de s’appuyer d’abord et par-dessus tout sur Dieu mais aussi de faire tout ce qui est possible pour mieux cerner les causes profondes des problèmes que rencontre le contexte spécifique, de concevoir une stratégie conséquente pour les surmonter, de mettre des ressources appropriées et transférables à la disposition de tous les fidèles dans un format et une langue qu’ils peuvent facilement comprendre, de veiller à une bonne coordination des activités et de faire des évaluations systématiques, le tout dans un esprit d’humilité en marchant sur les traces du Seigneur Jésus.
Une telle entreprise ne saurait réussir si les chrétiens érigent des murs. La sagesse impose plutôt de faire un travail d’équipe et de bâtir des ponts entre les membres d’une église locale, entre l’église locale et d’autres ou œuvres chrétiennes sœurs, entre dénominations, entre les associations d’églises des différents pays et même entre la communauté chrétienne et la société sans discrimination aucune. Procéder ainsi permet d’apprendre les uns des autres et de créer ainsi un cadre favorable aux échanges et aux encouragements mutuels pour que le drapeau de la Bonne Nouvelle flotte haut sur le palais de du cœur de chaque disciple du Christ, sur chaque église locale, dénomination et nation. L’Eglise d’Afrique n’a pas toujours les moyens suffisants pour accomplir sa vision et ses rêves mais il ne faudrait pas hésiter à mettre en commun les ressources humaines et financières disponibles afin d’attendre des objectifs bien spécifiques. Le défi est de taille mais si les chrétiens collaborent tout en puisant leur force en Dieu, ils réussiront. Un proverbe africain dit justement à ce sujet : « les fourmis sont petites mais si elles s’unissent, elles peuvent transporter un éléphant. »
Le temps est venu de se lever et de mettre résolument en pratique tout ce que le Seigneur a prescrit dans la foi, la crainte respectueuse de Dieu, l’amour, l’obéissance, la simplicité, la persévérance et la fidélité. C’est alors que l’Evangile sera un vecteur de la joie divine dans une Afrique qui menace de se noyer dans un océan de mauvaises nouvelles. C’est à ce prix que les disciples du Seigneur seront des canaux de bénédictions pour leurs prochains, que les églises locales (voire les associations d’églises) et les œuvres chrétiennes seront redynamisées, et que les populations cibles connaitront une véritable transformation positive sur tous plans pour le bien-être de tous et la gloire du Dieu Créateur de l’univers et de tout ce qu’il renferme.
Bibliographie
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