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Cross-Cultural Communication

What difficulties in communication do cross-cultural workers face? How can these best be addressed in various settings?

Le tutorat interculturel: brève comparaison entre les cultures individualistes et celles collectivistes

WCIU Journal: Cross-Cultural Communications Topic

November 4, 2019

By Sunny Hong

Sunny Hong travaille pour Wycliffe et SIL depuis 1994. Elle travaille actuellement en tant que consultante principale en interculturel chez SIL International et est professeure auxiliaire à la Dallas International University. Un de ses sujets de rec…

Sunny Hong travaille pour Wycliffe et SIL depuis 1994. Elle travaille actuellement en tant que consultante principale en interculturel chez SIL International et est professeure auxiliaire à la Dallas International University. Un de ses sujets de recherche est celui des réfugiés et des missions.

Nous remercions l'équipe de traducteurs bénévoles du S.T.A.F (Service de Traduction Anglais-Français), Wycliffe France, 25 rue de l'Isle, 26000 Valence (FRANCE).

Read the English version of this article here.

Dans son livre Leading across cultures: Effective ministry and mission in the global church, Jim Plueddemann décrit une expérience grâce à laquelle il a compris la façon nigériane de diriger. Lorsque, pour faire face à une situation de crise, il a eu besoin d’une grosse somme d’argent, son responsable nigérian lui a demandé de venir chez lui à une heure tardive. À son arrivée, Jim a été surpris de voir que de nombreuses personnes étaient là pour conseiller le responsable à ce sujet. Après avoir écouté sa situation, ce responsable a tiré de sa poche une grosse somme d’argent et l’a donnée à Jim, sans lui demander de reçu. Cela a choqué Jim. Pour lui, les transactions professionnelles devaient se faire pendant les heures de travail (du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h) au bureau et non chez le responsable, les fonds personnels devaient être séparés des autres fonds et il était indispensable d’avoir des reçus pour rendre des comptes sur le plan financier. La façon de procéder du responsable nigérian transgressait tous les présupposés que Jim, en tant que Nord-Américain, avait sur le leadership.

Tout comme Jim a rencontré des difficultés face à la manière dont on dirige dans une autre culture, on peut rencontrer des problèmes similaires dans une relation de tutorat entre personnes de cultures différentes. Stanley et Clinton définissent le tutorat ainsi :

Relation à travers laquelle un tuteur, qui connaît ou a expérimenté quelque chose, le transmet (sagesse, informations, expériences, confiance, discernement, relations, statut, etc.) à son stagiaire, au bon moment et de la bonne manière, afin d’en faciliter les progrès ou le pouvoir (1992, p. 40).

Quand les personnes en relation de tutorat sont de la même culture ou d’une culture proche, les risques de malentendus ou de divergences dans les attentes sont moindres, car elles ont des perspectives, des présupposés, des concepts et des visions du monde qui se correspondent. Dans une relation de tutorat, les similitudes et les expériences communes facilitent la relation entre le tuteur et son stagiaire. Il est donc souvent plus facile d’avoir une relation de tutorat avec quelqu’un d’une culture identique ou proche. Pour réussir un tutorat avec quelqu’un d’une autre culture, il faut bien comprendre les différences culturelles qui se cachent derrière celui-ci.

L’objectif de cet article est de décrire brièvement de quelle manière les cultures individualistes et collectivistes comprennent les concepts-clés du tutorat et de réfléchir sur la manière d’utiliser les points forts de ces cultures différentes, pour que le tutorat interculturel soit même plus fructueux qu’un tutorat monoculturel. Dans cet article, la culture individualiste se définit comme une culture qui valorise la singularité de l’individu et promeut l’égalité et l’indépendance ; la culture collectiviste, elle, se définit comme celle où les objectifs du groupe priment sur ceux de l’individu ; elle est aussi très hiérarchisée et a des attentes sociales élevées. 

Le processus de tutorat

Zaobary (2000) décrit 4 phases dans un tutorat : préparer, négocier, rendre capable et conclure. En m’appuyant sur celles-ci, j’en ai identifié cinq :

1) rechercher ou rencontrer un tuteur ou un stagiaire ;

2) fixer des objectifs d’apprentissage ;

3) réaliser progressivement ces objectifs ;

4) bien terminer la relation de tutorat ;

5) maintenir des relations après la fin du tutorat officiel.

Les attentes et les implications lors de ces 5 phases sont différentes si le tuteur et son stagiaire ne sont pas de la même culture.

1) La recherche

Les éléments les plus déterminants, lors de la phase de recherche, sont le but du tutorat et les attentes du tuteur ou du stagiaire. Dans une culture individualiste, le but du tutorat est que le stagiaire progresse dans un domaine professionnel. Un stagiaire, par conséquent, recherche surtout l’expérience et la connaissance du tuteur et ne recherchera pas forcément un maître, un enseignant ou une figure paternelle. Les trois premiers des dix commandements de Crosby sur le tutorat cité par Engstrom sont :

1) Tu ne joueras pas à Dieu ;

2) Tu ne joueras pas à l’Enseignant ;

3) Tu ne joueras pas à la Mère ou au Père. (1989, p. 20)

En revanche, dans une culture collectiviste, les stagiaires ont tendance à rechercher l’âge, la sagesse, le caractère d’un tuteur, car le but du tutorat est de devenir comme le tuteur non seulement en termes de compétences et de connaissances, mais aussi de caractère. Dans une telle culture, le tuteur devrait être à la fois un gourou, un maître, un enseignant, un père. Un tuteur est un expert sage et il a les réponses, non seulement dans une discipline, mais aussi sur les problèmes de la vie. Dans ce type de culture, quand un stagiaire respecte pleinement son tuteur, il le traite comme un gourou en reconnaissant son autorité, en désirant vivement apprendre de lui, il le considère comme un enseignant et accorde une grande importance à ce que son tuteur s’occupe bien de lui, faisant de celui-ci une figure maternelle ou paternelle.

Krallmann (2002) met en garde contre le paternalisme et la surprotection dans une relation de tutorat au sein d’une culture individualiste. Pour lui, le paternalisme ne doit qu’être en vue d’un objectif temporaire, au début d’une relation, et doit aider un stagiaire à progresser pleinement de lui-même sans la protection de son tuteur. Dans une culture collectiviste, au contraire, un tuteur qui ne protège pas comme un père est mauvais. Ainsi, si les attentes et les présupposés concernant le but du tuteur et le tutorat ne sont pas clairement compris, le tutorat interculturel peut causer de la confusion, de l’incompréhension et blesser les deux parties.

Les attentes du tutorat, dans une culture collectiviste, conviennent mieux dans le cadre d’un ministère, car dans un tel cadre, le caractère est plus important que la connaissance et il vaut mieux une approche holistique des progrès personnels. Dans ce contexte, on peut décrire le tutorat comme l’influence du messager plutôt que du message sur des personnes. Un tuteur doit toutefois faire attention, quand il prend soin d’un stagiaire, à ce que celui-ci apprenne à dépendre de Dieu plutôt que de son tuteur. 

2) Fixer des objectifs

Dans une culture individualiste, il est souhaitable d’avoir des objectifs clairs, mais difficiles et stimulants, durant un temps déterminé au cours du stage, de manière à pouvoir les mesurer. Il vaut mieux éviter des objectifs vagues, car ils sont difficilement mesurables et qu’il est compliqué d’évaluer s’ils ont été atteints (Zeus et Skiffington, 2000). Les objectifs devraient être négociés entre un tuteur et son stagiaire dès le début du stage pour que les deux parties soient d’accord sur la direction du tutorat et sur ses buts.

La mentalité collectiviste, elle, fonctionne différemment. Un tuteur, simplement parce qu’il est expert dans son domaine, sait mieux ce qu’un stagiaire devrait apprendre. Les objectifs sont donc définis dans l’esprit du tuteur et un stagiaire respectera le tuteur, lui faisant confiance pour faire son possible pour le conseiller et lui transmettre ses connaissances et sa sagesse. La négociation des objectifs est inimaginable dans le tutorat entre un tuteur et un stagiaire.

Le meilleur cas de figure dans une culture individualiste est qu’un stagiaire sache ce qui est le mieux pour lui et le réalise avec l’aide de son tuteur. L’issue la pire serait qu’un stagiaire ne reçoive pas ce qu’il y a de mieux simplement parce que lui et son tuteur ne s’entendent pas à ce sujet. Le meilleur cas de figure dans une culture collectiviste est qu’un stagiaire reçoive ce qu’il y a de mieux, car son tuteur sait exactement ce qui est le mieux pour ce stagiaire. La pire issue, dans une culture collectiviste, est qu’un stagiaire ne puisse pas obtenir ce dont il a réellement besoin, car le tuteur ignore ce qui serait le mieux. 

3) Réaliser progressivement les objectifs

Dans une culture individualiste, il est recommandé de diviser le contenu du stage en blocs gérables, en segments logiques, ou en petits objectifs afin d’en faire l’objet d’évaluations régulières. Ces segments assurent, pour un ensemble d’objectifs, un achèvement intermédiaire (Stanley et Clinton, 1992). Il est important de documenter le stage, car cela sert à faire le point sur celui-ci, à répondre aux insatisfactions potentielles, à résumer les attentes, à effectuer une évaluation périodique, à prendre note des bénéfices et des résultats, à détecter à quel moment arrêter le tutorat et à prêter attention à certains problèmes ou événements (Johnson et Ridley, 2008 ; Williams, 2005). Au cours des évaluations régulières, on peut aussi repérer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Si les choses ne se passent pas bien ou si les attentes du tuteur ou du stagiaire ne sont pas satisfaites, la relation de tutorat peut s’arrêter sans grand dommage sur la relation humaine.

Dans une culture collectiviste, on attend d’un tuteur qu’il mesure les progrès et en informe son stagiaire. La documentation n’est utile que pour servir de preuve en cas de procès quand il n’y a pas de relation ou que les deux parties n’ont pas développé de confiance entre elles. Dans une telle culture, la documentation est donc perçue comme un manque de confiance.

Dans une culture individualiste, documenter et mesurer le tutorat est l’occasion de revoir les objectifs, les buts et les relations. Dans une culture collectiviste, à moins qu’un tuteur ne mesure fidèlement les progrès de son stagiaire en lui faisant les retours adéquats, on risque de rater une direction ou de ne pas savoir comment le tutorat progresse et vers où la relation se dirige. 

4) Terminer le tutorat

Dans une culture individualiste, au début d’un tutorat, il est recommandé d’avoir en tête une fin (Stanley & Clinton, 1992 ; Zaobary, 2000). Un tuteur et un stagiaire négocient ou se mettent d’accord sur la date de fin. Un tutorat se termine bien quand les objectifs d’apprentissage sont atteints et qu’on accorde du temps pour reconnaître les réalisations et fêter les étapes marquantes.

Dans une culture collectiviste, c’est au tuteur de savoir quand le tutorat doit se terminer. En Corée, quand un tuteur décide que son stagiaire a atteint tous les objectifs, il lui dit : « Redescends de la montagne ». Le stagiaire n’a pas idée de négocier ou de décider quand « quitter la montagne ». Le faire serait manquer de respect à son tuteur.

Dans une culture individualiste, si le stagiaire n’est pas conscient qu’il reste toujours des choses à apprendre, la relation de tutorat pourrait se terminer sans qu’il en retire un plein bénéfice. Un tel danger existe dans une culture collectiviste si le tuteur ne veut pas enseigner ou transmettre ses connaissances et sa sagesse, car, par respect, le stagiaire ne peut pas exiger d’en savoir davantage. 

5) Après la fin du tutorat

Dans une culture individualiste, le terme d’un tutorat réussi est marqué par une fin satisfaisante et par le début d’une amitié d’égal à égal (Stanley et Clinton, 1992 ; Johnson et Ridley, 2008). Cette relation entre pairs permet des moments de tutorats occasionnels. Krallmann (2002) insiste sur l’importance que la relation de tutorat débouche à la fin sur une amitié. Il est déconseillé de poursuivre la relation de tutorat lorsqu’il n’y a plus de progrès réalisé et que les deux parties ne se rencontrent que parce qu’il faut se rencontrer. Pour Stanley et Clinton, un tutorat sans fin est un tutorat vertical. « Un tutorat vertical qui n’a pas une conclusion claire en tête va en général se déliter en créant un sentiment de malaise chez les deux personnes. » (1992, p. 207)

Or, dans une culture collectiviste, même si une relation de tutorat active s’achève, la relation ne deviendra jamais d’égal à égal, car l’ex-tuteur considèrerait une telle relation comme irrespectueuse, même si le tutorat est officiellement terminé. Une fois que quelqu’un est tuteur d’un stagiaire, c’est à vie. Le respect accordé au tuteur et la nature de la relation restent identiques. Pour un ancien stagiaire, considérer son ancien tuteur comme un collègue ou un ami est perçu comme impoli, et il perdra le respect de ses pairs et du tuteur. 

Autres concepts-clés connexes

Dans cette partie, nous allons voir d’autres concepts-clés liés au tutorat dans les cultures, individualiste et collectiviste, afin de continuer notre étude de leurs différences, leurs forces et leurs avantages.

L’identité individuelle

Il n’existe pas de définition commune à toutes les cultures de ce qu’est l’identité individuelle. Le concept de limites donne cependant un éclairage sur ce qu’elle est dans une culture individualiste. Pour Cloud et Townsend :

« Les limites nous définissent. Elles définissent ce que je suis et ce que je ne suis pas. Une limite me montre où je finis et où quelqu’un d’autre commence, ce qui me mène à un sentiment de maîtrise [...] Savoir ce que je dois posséder et ce dont je suis responsable m’apporte de la liberté. Si je sais où commence ma cour et où elle finit, je suis libre d’en faire ce que je veux. Si je prends la responsabilité de ma vie, cela m’ouvre de nombreuses possibilités. En revanche, si je ne “possède” pas ma vie, cela va limiter considérablement mon choix et mes possibilités. » (1992, p. 29)

Dans une culture individualiste, on fait l’éloge d’une personne indépendante dont les limites sont bien définies en disant que c’est quelqu’un de responsable. Le dictionnaire anglais en ligne Merriam-Webster définit une personne comme « humaine, individuelle, parfois utilisée en combinaison, surtout par ceux qui préfèrent éviter le terme “homme” pour des locutions applicables aux deux sexes ». Comme le montre cette définition, il n’y a pas de signification sociale d’une personne en anglais, ce qui reflète la conception occidentale de la personne comme individu aux limites bien définies.

En revanche, dans la culture collectiviste, l’identité individuelle est vue dans une relation dyadique, ce qui signifie qu’une personne n’existe et n’a de sens que par rapport aux autres. Par exemple, en tagalog, une langue des Philippines, le terme pour « compatriote » est kapwa. Ce mot présuppose que l’ego existe par rapport à quelqu’un d’autre. Sans une autre personne, kapwa n’existe pas. Un autre concept de l’identité individuelle est représenté dans le mot tagalog sakop, qui désigne un membre d’un groupe social.

« Dans la culture philippine, la valeur du sakop est supérieure à celle de l’individu. Parce que le sakop prévaut sur l’individu, la principale vertu philippine est le pakikipagkapwa, ce qui peut se traduire en gros par “être lié aux autres”. Il vient de pakiki, qui désigne un ensemble continu d’actions réciproques avec le kapwa (l’être humain), qui englobe toutes les formes de paki telles que le pakikisama (être ensemble), le pakikiisa (être un avec), le pakikibagay (en harmonie avec), etc. » (Andres, 1991, p. 271)

Les Coréens utilisent généralement les mots « nous » ou « notre » pour dire « je », « mon » ou « moi ». Ils disent rarement « ma maison », « mon village » ou « mon magasin ». Quand un Coréen dit « notre femme », cela ne veut pas dire que plusieurs hommes la revendiquent comme épouse, mais simplement « ma femme ». La mentalité collectiviste se reflète dans le langage.

L’écriture chinoise est logogrammatique, c’est-à-dire que le sens et la philosophie sont représentés sous la forme d’un caractère. Le caractère chinois pour « homme » est 人 : deux traits appuyés l’un contre l’autre, chaque trait représentant une personne. Par conséquent, le caractère chinois de « personne » implique qu’une personne ne peut pas se tenir seule, mais qu’elle a besoin que les autres se tiennent à ses côtés et la soutiennent. La vision du monde chinoise montre clairement que la personne est un être social.

À moins que le tutorat ne vise uniquement à transmettre des connaissances, les relations de tutorat exigent que le tuteur et son stagiaire se comprennent bien. Par conséquent, si un tutorat interculturel implique de vivre ensemble, il est important de prendre le temps, au début, de comprendre les conceptions de l’identité individuelle des uns et des autres. Si le tuteur et son stagiaire ne comprennent pas clairement leurs différents présupposés sur l’identité individuelle, leur relation ne se passera pas au mieux et risque d’aboutir à de graves malentendus. Par exemple, dans une mentalité collectiviste, une fois la relation nouée entre un tuteur et son stagiaire, on s’attend à ce que la relation dyadique devienne très étroite, ce qui, dans une mentalité individualiste, pourrait être considéré comme de la co-dépendance. Or de nombreux chercheurs de cultures individualistes mettent en garde contre l’effet négatif de la dépendance dans le tutorat (Whitmore, 2002 ; Krallmann, 2002). Dans une telle mentalité, la relation de tutorat devrait comporter des limites saines pour les individus tout en permettant une certaine influence dans le domaine où s’effectue ce tutorat. Une personne ayant une mentalité collectiviste pourrait considérer une telle relation comme superficielle puisqu’aucune relation dyadique n’est instaurée.

La différence de compréhension de ce qu’est l’identité individuelle est l’une des difficultés à surmonter dans un tutorat interculturel. Les relations dyadiques qui permettent de maximiser l’influence et l’accès aux deux parties présentent plus d’avantages qu’une relation individualiste, non seulement pour le stagiaire, mais aussi pour le tuteur. Un stagiaire apprend le meilleur de ce qu’un tuteur peut offrir et un tuteur gagne respect et honneur.

Le pouvoir

Dans une relation de tutorat, il est inévitable d’avoir une inégalité de pouvoir, car les tuteurs ont habituellement plus de connaissances, d’expérience, de sagesse, d’autorité et de ressources que les stagiaires. Dans une culture individualiste, on cherche toujours à aplanir les inégalités de pouvoir. Zeus et Skiffington décrivent le tutorat comme une relation de collaboration. « Les relations modernes de tutorat […] reposent sur une alliance mutuelle, équitable et collaborative en vue d’apprendre. » (2002, p. 17). Whitmore dénigre une relation de tutorat hiérarchique qui produit la dépendance, l’impuissance, un stagiaire infantilisé et un tuteur autocratique.

Cependant, dans une culture collectiviste, le fait d’avoir une relation hiérarchique adéquate crée un environnement de tutorat sûr et riche. Sans relation hiérarchique entre le tuteur et son stagiaire, il n’y a pas d’ordre dans la relation. Dans une telle culture, si l’inégalité de pouvoir est niée, le tuteur risque de perdre sa crédibilité et le respect qui lui est dû ; il n’aura donc aucune autorité dans la relation, ce qui signifie, en outre, que rien ne sera fait et que la relation sera confuse. « Quand un tuteur refuse d’accepter le pouvoir et d’utiliser l’autorité de façon constructive, par inadvertance, il perd du pouvoir que lui conférait sa fonction » (Johnson et Ridley, 2008, p.121). Dans une culture collectiviste, il est important d’établir la juste différence de pouvoir et de savoir comment bien gérer les inégalités importantes de pouvoir.

L’influence

Un aspect du pouvoir qui se joue dans une relation de tutorat est l’influence. Par respect pour son tuteur ou pour les avantages qu’il pourrait en retirer, un stagiaire permet à son tuteur d’exercer son influence sur lui. À ce sujet, Hendricks soulève un point très intéressant :

« Le tutorat n’est qu’une question d’influence : un homme influence un autre. Mais l’influence, de par sa nature même, est étroitement liée à la question du pouvoir. Si je vous influence, c’est parce que vous me donnez le pouvoir de vous influencer. Lorsque vous laissez quelqu’un être votre tuteur, vous lui accordez le pouvoir d’influencer votre vie. » (1995, p. 114)

Krallmann parle de l’interrelation entre la relation et l’influence :

« Lorsque nous sommes avec les personnes et que nous apprenons à vraiment les connaître, plus nous sommes proches d’elles, plus nous pouvons les influencer en profondeur ; plus le contact est étroit, plus l’impact est fort. Avant de pouvoir gagner l’attention, nous devons gagner en crédibilité. De vastes connaissances, de grands talents et des stratégies subtiles de notre part ne seront pas très utiles si nous ne parvenons pas à gagner la confiance des personnes. » (2002, p. 149)

Par conséquent, en général, l’influence d’un tuteur sur son stagiaire dépend du respect et de la confiance que ce dernier lui accorde.

L’admiration, l’idéalisation et l’identification

Lorsqu’un stagiaire respecte son tuteur, lui fait confiance et le considère comme un modèle, il l’admire, l’idéalise et s’identifie à lui. Grâce à ce processus, le stagiaire assimile les compétences, les connaissances et le caractère de son tuteur. Johnson et Ridley abordent le processus derrière l’idéalisation et l’identification.

« Au début de leur relation, les stagiaires peuvent avoir besoin d’idéaliser leur tuteur. Au départ, c’est la porte d’entrée vers une saine identification, mais l’idéalisation pose des problèmes importants si les stagiaires s’y enlisent. Après l’identification, le stagiaire passera à l’individuation en tant que professionnel mûr et indépendant de son tuteur. À cette fin, les tuteurs doivent apprendre à tolérer dignement que leur stagiaire les idéalise. » (2008, p. 59)

Cela n’est possible que dans une culture individualiste. Dans une culture collectiviste, cesser d’admirer et d’idéaliser un tuteur indique que la relation entre le stagiaire et son tuteur est brisée. 

La coercition

Dans une culture individualiste, l’imposition des valeurs du tuteur est considérée comme de la coercition et comme une manière d’empêcher le stagiaire de jouir de ses droits, de son autonomie et de son identité personnels. Par conséquent, un tuteur pourra proposer des solutions, mais c’est au stagiaire de décider. Dans une culture collectiviste, cependant, un tuteur est considéré comme celui qui sait mieux. S’il n’impose pas ce qui est le mieux pour son stagiaire, cela veut dire qu’il est indifférent ou n’a guère envie de faire part de ses connaissances, ce qui, en se répétant, pourrait mener à la fin de la relation. Par conséquent, dans une culture collectiviste, la coercition pour le bien du stagiaire est considérée comme très utile parce qu’elle réduit le nombre d’erreurs qu’il commettra.

L’entremise

L’utilisation du statut et du pouvoir du tuteur au profit du stagiaire s’appelle l’entremise (Johnson et Ridley, 2008). Celui-ci peut ouvrir des portes que les stagiaires ne connaissent pas et qu’ils ne peuvent pas ouvrir seuls. Si le tuteur fait un bon usage de son entremise pour le bien du stagiaire, cela peut être très efficace pour le mettre en relation avec les bonnes personnes, aplanir des obstacles, fournir un tremplin et apporter des ressources. Ce concept est très important dans les cultures individualistes et collectivistes, mais surtout dans cette dernière où les relations sont plus profondes.

La nationalité

Lorsque le tuteur et son stagiaire sont de nationalités différentes, une relation de tutorat interculturel se met en place. Les différences de pouvoir entre les nationalités vont généralement de pair avec le développement économique d’une nation. Les nationalités du tuteur et de son stagiaire peuvent jouer un grand rôle dans la relation de tutorat interculturel. La nationalité peut toutefois engendrer une différence de pouvoir inverse. Si les habitants d’un pays moins développé sur le plan économique sont toujours considérés comme ayant raison ou sont protégés, quelle que soit la situation, alors ces personnes pourraient avoir plus de pouvoir. Cela complique la question de l’inégalité des pouvoirs. Par conséquent, il faut examiner tous les aspects du pouvoir dans la relation de tutorat interculturel pour comprendre comment il est exercé.

L’admiration, l’idéalisation, la coercition bénéfique et le soutien apporté au stagiaire sont les forces d’une culture collectiviste. L’inégalité idéale de pouvoir apporte l’harmonie et l’équilibre entre le respect manifesté à l’égard du tuteur et les soins envers le stagiaire. En même temps, le concept d’uniformisation du pouvoir dans une culture individualiste présente l’avantage d’empêcher l’abus de pouvoir. Dans le cadre d’un tutorat interculturel, la question n’est pas de choisir l’un de ces deux modèles, mais de les combiner, c’est-à-dire de combiner les points forts d’une culture collectiviste aux avantages d’une culture individualiste.

Vie privée et vulnérabilité

La culture définit ce qui relève de la vie privée et cette définition varie d’une culture à l’autre. Dans certaines, l’âge ou les revenus sont de la sphère privée, mais parler de l’épouse de son père ou des enfants de son mari n’a rien de confidentiel. En revanche, dans d’autres cultures, pour entamer la conversation, il est nécessaire de connaître l’âge de son interlocuteur afin de pouvoir choisir la bonne forme de politesse pour s’adresser à lui. Sans cette information, on ne peut pas lui parler. Dans cette culture, l’âge ne peut donc pas être une information privée. Par contre, il pourrait être vraiment honteux d’avoir un père qui s’est remarié ou d’avoir un mari qui a des enfants d’un autre lit et l’on n’en parlera qu’à des proches.

Divulguer des informations sur soi crée de l’intimité, du lien, et de la confiance dans la relation. Des relations moins superficielles favorisent une véritable compassion, permettent un engagement émotionnel et créent un environnement propice à l’enseignement et l’apprentissage. Dans un tutorat, le tuteur et le stagiaire sont censés développer une relation étroite. Pour pouvoir la développer tout en respectant la vie privée de l’autre, il faut que chacun sache bien ce qui en relève dans la culture de l’autre.

Le temps

Un exemple de problème ayant trait à la vie privée est le temps. Dans une culture individualiste, le temps est traité comme une marchandise que l’on peut perdre ou gagner. Le temps peut être mesuré, il n’est pas extensible ; on ne peut ni revenir en arrière ni le remplacer. Le temps est segmenté en période de travail ou de loisirs. Les gens veillent donc sur leur temps et respectent celui des autres en étant à l’heure aux rendez-vous prévus. Une personne mûre sait bien gérer son temps. Stanley et Clinton insistent sur l’importance, dans un tutorat, de planifier son temps et de le gérer. « Fixez-vous des durées réalistes. Ayez des portes de sortie permettant aux deux parties de se séparer en gardant de bonnes relations. Gardez les portes ouvertes permettant de proposer de continuer. Reconnaissez la nécessité d’une limite de temps dans toute situation de tutorat. » (1992, p.205).

Dans une culture collectiviste au contraire, le temps n’est ni une marchandise, ni segmenté. Le travail peut donc être combiné aux loisirs. Si, dans le cadre d’un tutorat, l’on entretient une relation étroite, cela signifie que nul ne fait attention au temps ; le concept d’« abuser du temps de l’autre » n’existe pas non plus. Fixer un rendez-vous lors d’un tutorat est un concept venu de l’étranger. Le tutorat peut avoir lieu à tout moment, et un tuteur, s’il remplit correctement son rôle, doit toujours être disponible pour aider son stagiaire. S’il ne lui consacre pas beaucoup de temps, cela veut dire qu’il est égoïste ou qu’il ne se soucie guère des progrès de son stagiaire. 

Transparence et vulnérabilité

Dans une culture individualiste, on accorde une grande valeur à l’honnêteté, à la transparence et à la vulnérabilité. Ainsi, les tuteurs jouissent d’une grande estime quand ils exposent leurs échecs, leurs faiblesses et leurs luttes, et les stagiaires ont alors tendance à se sentir plus proches d’eux. Un stagiaire peut apprendre des échecs et des erreurs de son tuteur, ce qui donne l’occasion de reconnaître les limites humaines. Quand un tuteur admet son ignorance, il montre qu’il est honnête et transparent, et il aide ses stagiaires à accepter leurs propres incapacités et à faire preuve de réalisme (Williams, 2005 ; Biehl, 1996 ; Engstrom, 1989).

Cependant, dans une culture collectiviste, être transparent ne signifie pas forcément exposer ses échecs, mais plutôt que le tuteur est la même personne en privé et en public. Un tuteur va faire très attention à ce qu’il dévoilera de ses échecs et à ce qu’il répondra aux questions pour lesquelles il n’a pas de bonnes réponses. En effet, il pourrait perdre le respect de son stagiaire ou le stagiaire pourrait considérer ne pas avoir grand-chose à apprendre d’un tuteur qui échoue dans un domaine critique. Cela ne veut pas dire qu’un tuteur doit cacher ou minimiser ses échecs et ses faiblesses, mais qu’on ne montre pas sa fragilité comme dans une culture individualiste. Il est donc important de savoir ce qu’on doit dire ou non et dans quelle mesure montrer sa vulnérabilité. Comme le dit Chan :

« Une chose est sûre. Trop se dévoiler pourrait sans nul doute amener à dépasser les limites et nuire au bon fonctionnement de la relation (Psychopathology Committee of the Group for the Advancement of Psychiatry, 2001). Il est important de noter que dans cette étude, les tuteurs ont fait attention aux informations personnelles qu’ils ont données et n’ont pas surchargé les étudiants d’informations inutiles. À des degrés différents, les tuteurs ont maintenu des limites personnelles dans ce qu’ils choisissaient de divulguer. » (2008, p.179).

Dans les cultures individualistes comme dans les cultures collectivistes, maintenir un équilibre, entre d’un côté garder des limites appropriées et de l’autre se montrer ouvert et vulnérable, est un art qui contribuera au bénéfice mutuel des relations de tutorat. Mettre des barrières trop hautes conduira à une relation froide, mais se dévoiler à tort engendrera une relation de tutorat inadaptée. La force de la culture individualiste est qu’un tuteur expose ses échecs en toute vulnérabilité pour aider son stagiaire à acquérir de la maturité et à ne pas reproduire les mêmes erreurs. La force de la culture collectiviste en matière de tutorat, c’est de permettre au stagiaire d’avoir tout le temps accès à la vie de son tuteur.

Les félicitations et les critiques

Il est très utile que le tuteur informe son stagiaire de ce qu’il pense du travail accompli pour qu’il puisse progresser. Les félicitations renforcent la confiance et l’estime de soi du stagiaire, tandis que les critiques lui donnent la possibilité d’agir différemment à l’avenir. Dans une culture individualiste, pour faire une critique, il est conseillé d’être authentique, franc et précis, en ciblant les comportements, non la personnalité (Zaobary, 2000 ; David, 1991). Dans ce cas, il est déconseillé de « tourner autour du pot », d’être diplomate ou plein de tact. Au contraire, il vaut mieux être tout à fait honnête. Cela fonctionne bien dans cette culture. Mais, dans une culture collectiviste, en faisant des critiques directes et spécifiques, on court le risque, si l’on ne fait pas très attention, d’entraîner la fin de la relation. Les personnes de culture collectiviste ont tendance à penser de façon globale (Rosinski, 2003, p. 56) ; par conséquent, les actions, le travail et les paroles font partie de la personne. Quand quelqu’un reçoit une critique, faite sans tact, il se sent attaqué dans toute son identité. Si cela se répète, la relation pourrait cesser.

Dans un tutorat, il est très important de féliciter et de donner des encouragements. Cependant, la manière de le faire diffère d’une culture à l’autre. Certaines cultures saisissent la moindre occasion d’approuver ce qui est fait. Dans d’autres, la répétition de compliments, identiques ou déplacés, peut être considérée comme de la flatterie.

« En effet, des compliments hypocrites ou injustifiés sonnent faux et peuvent faire plus de mal que de bien, parce que l’hypocrisie et la manipulation se perçoivent beaucoup plus facilement que ce que le pensent leurs auteurs. Elles rabaissent le flatteur tout en altérant la relation et la confiance. Même des félicitations sincères peuvent causer des difficultés. La personne félicitée peut renoncer à sa capacité d’autoévaluation en la laissant à la personne qui la complimente, augmentant ainsi sa dépendance aux opinions d’autrui. Nous devons faire le contraire pour construire l’autonomie et la confiance en soi de notre équipe. Les compliments doivent être à la fois généreux, réels et pertinents. » (Whitmore, 2002, p. 140)

Certaines cultures accordent plus d’importance aux actions qu’aux paroles. Dans de telles cultures, ce sont les actes et non les paroles qui montrent ce qui est le plus important, et des paroles valorisantes peuvent être considérées comme des louanges creuses. Au contraire, faire des compliments ou des critiques en donnant l’exemple ou en étant un modèle par sa vie est plus percutant que les mots. Par exemple, donner au stagiaire une mission prestigieuse parle plus efficacement qu’un compliment verbal. Quand un stagiaire échoue, son tuteur peut l’encourager en lui donnant une autre chance plutôt qu’en lui disant des paroles réconfortantes. Montrer sa foi en son stagiaire en reconnaissant son caractère, ses capacités, son jugement et son potentiel est un meilleur encouragement. Dans certaines cultures, manger ensemble ou offrir un cadeau peut aussi être un moyen important d’encourager et de montrer son acceptation de l’autre.

Dans une culture individualiste, les compliments faits en public nourrissent la confiance et l’estime de soi. Mais, dans une culture collectiviste, valoriser un stagiaire en public peut le mettre dans l’embarras et rendre les autres jaloux. Il vaut peut-être mieux louer un stagiaire devant les autres en son absence.

C’est tout un art de savoir comment formuler son avis dans le cadre d’un tutorat interculturel. Une louange excessive peut rendre le stagiaire trop confiant, mais ne pas le féliciter peut le conduire à se dévaloriser ou à ne pas voir ses points forts. Le tuteur et le stagiaire doivent s’efforcer d’apprendre comment valoriser, encourager et reprendre d’une façon culturellement appropriée afin de tirer le plein bénéfice de ce tutorat interculturel.

Conclusion

Dans le tutorat interculturel, même si nous ne disposons pas de règles claires pour développer des relations solides, il faut toujours faire preuve d’ouverture d’esprit et de sensibilité à la culture. Comme cet article le montre, les cultures individualistes et celles collectivistes ont des attentes et des présupposés différents en matière de tutorat, et leurs points forts sont souvent opposés. Le degré d’individualisme ou de collectivisme d’une culture va influencer les pratiques du tutorat. C’est tout un art à maîtriser que de maintenir l’équilibre entre les composantes opposées pour tirer le meilleur des deux. Pour cette raison, il est indispensable, dans le cadre d’un tutorat interculturel, de comprendre les présupposés culturels liés aux problématiques du tutorat. Si on arrive à utiliser les points forts des deux cultures en même temps, un tel tutorat pourra apporter un bénéfice supérieur à celui d’un tutorat monoculturel.

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